lundi 27 avril 2009

Les Petits Riens de Bastien Vivès


C'est donc avec "Dans mes yeux" que se clôt la trilogie consacrée à la relation amoureuse, entamée en 2008 par Bastien Vivès avec "Le Goût du Chlore", également publié par KSTR, et poursuivie avec ""La Boucherie", dont la version corrigée vient d'être réimprimée par les éditions Warum.

Les premières pages qui avait momentanément été mises en ligne sur son blog dès novembre 2007 m'avaient déjà conquis.
Moi aussi j'étais captivé par les yeux océaniques de la fille, par ses cheveux de feu, son nez à peine esquissé, ses éphélides masquées par sa trop grande écharpe. J'étais ému par sa fragilité, sa maladresse, sa naïveté, sa légèreté... J'étais également interloqué par les lieux évoqués qui me paraissaient étrangement familiers, comme ces scènes nocturnes à la bibliothèque.


Cette jeune femme fatale un peu paumée dont la beauté fait oublier ses caprices, son lunatisme, sa superficialité et à qui l'on offrirait pourtant des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas, qui finit par nous faire le jeu du "je sais plus où j'en suis mais c'est pas toi, toi t'es très bien", il est probable que vous l'ayez aussi déjà croisée. On sait qu'il faut s'en méfier. Mais bon, comme le cœur a ses raisons que la raison ignore, personne n'est à l'abri... Bastien Vivès non plus. Et lui n'a pas peur de coucher sur papier ses propres souvenirs.



Alors certes, on me rappelle que l'histoire en plans subjectifs, à la "Paris Dernière", ça a déjà été fait au cinéma, dans "La Femme défendue" avec Isabelle Carré par exemple, mais je pense que ce serait une erreur de s'arrêter au côté purement technique de ce livre, justement réalisé avec "trois fois rien" par Bastien Vivès : quelques crayons de couleurs, un stylo Bic ® et des bouts de papiers remontés en gaufrier, pour faire passer des sentiments, ces sentiments, ses sentiments... Déjà, moi je trouve ça hyper balèze. Si.


Plus d'infos sur ce film

Contrairement au film de Philippe Harel, l'auteur-narrateur, qui tient les crayons, reste ici paradoxalement muet. Comme dans Le Goût du Chlore (rappelez-vous la scène de la piscine), on est donc amené à deviner une partie du texte, mais cette fois-ci, tout au long de l'"aventure". On pourrait d'ailleurs imaginer un second volume, cette fois-ci "vu de l'autre côté".
Bien vue aussi, la séquence où interviennent des tierces personnes, et dont les dialogues sont floutés, échappant totalement à notre amoureux pour qui la fille est devenue le centre du monde.


Telle l'infime partie émergée des icebergs visible depuis la surface, à priori anodins, voire superflus, tous ces petits riens, ces silences, ces hésitations nous en disent pourtant long et bien plus que de fastidieux dialogues sur l'état d'esprit de nos deux tourtereaux... ainsi que sur le talent de Vivès pour réussir à les capter et les retranscrire (petite précision : aucune image n'est réalisée d'après photo). Mis bout à bout, ce sont tous ces minimes détails qui donnent le sel à cette "banale" histoire d'amour qui, comme en général, finira...
Non, j'l'ai pas dit.

Certains esprits chagrins trouveront peut-être ce livre un peu moins abouti que "Le Goût du Chlore", surtout s'ils avaient - comme moi - fait de ce dernier un de leurs albums préférés de l'année dernière. Cela peut peut-être s'expliquer par le fait qu'il a tout simplement été réalisé auparavant. Je suggèrerais donc de lire (si possible) "Dans mes yeux" avant "Le Goût du Chlore". On se demande d'ailleurs pourquoi l'éditeur les a publiés dans cet ordre et on peut également regretter que "La Boucherie" ne se retrouve pas dans la même collection (question de format ?).

Fasciné par les dessins de Bastien, je suis du coup allé m'acheter moi aussi une boîte de crayons de couleurs (chez Fabio Lucci). Pour voir.


Hum... Bon, bref... J'ai bien fait de pas y avoir mis plus de deux balles.


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Un petit strip découpé dans le n°25 du magazine promotionnel Castermag', réalisé pour la rubrique Carte Blanche.


vendredi 24 avril 2009

La Ferme Célébrités (spécial BD)


Ce sont Dupuy et Berberian qui seront de garde du samedi 25 au dimanche 26 avril à Noisiel (Marne-la-Vallée, 77), à la Ferme du Buisson (dernière trace culturelle à l'est de Paris avant le grand désert EuroDisney), pour une Nuit Curieuse dédiée à la Bande Dessinée.
Leur imagination débordante devrait nous tenir éveillés sans avoir à forcer sur le café, d'autant que pour leur venir en aide, ils seront épaulés (pour la partie BD) de Ruppert & Mulot, Loo Hui Phang, Hugues Micol, François Olislaeger, Frédéric Fleury, Paul Notzold, Jean-Claude Denis, Joseph Ghosn ainsi que de leur successeur à la présidence angoumoisine : Blutch.
Cela risque fort de nous changer des sempiternelles foires à la bédé et de leurs files de sacs à dos.

On devrait pouvoir y écouter le groupe Nightbuzz de Jean-Claude Denis et Charles Berberian et y voir des courts métrages de Winsor McCay (dont un DVD "Les Mondes imaginaires de Winsor McCay" vient de sortir), Stéphane Blanquet, Winshluss ou bien encore Pierre La Police si j'en crois le mignon petit programme spécialement enluminé pour l'occasion, que Ruppert & Mulot n'ont bien évidemment pas pu s'empêcher de saloper :






mardi 21 avril 2009

Le Docteur est malpoli


C'est en ne pouvant s'empêcher d'insulter intérieurement un de ses amis (qui lui avait taxé, sans jamais les lui rendre, vingt pesos afin de jouer aux courses à l'hippodrome de Buenos Aires) que Guillermo "Willy" Divito (1914-1969) imagina, en 1940, la schizophrénique série "El otro yo del Dr. Merengue".


Alors que le Dr. Merengue parait à priori bien éduqué, mesuré, poli jusqu'à l'hypocrisie, plus flegmatique que le colonel Clifton, Blake et Mortimer réunis, son double (l'autre moi), véritable soupape de sécurité, dit tout haut ce que l'autre pense tout bas.
Quasiment hystérique, laissant éclater ses colères, exprimant ouvertement ses sentiments, spécialement quand il est en présence d'une des hallucinantes chicas de Divito qui semblent l'obséder, il semble alors plutôt tenir du loup de Tex Avery.
Une telle dualité me fait irrésistiblement penser à Milou, tiraillé entre sa bonne et sa mauvaise conscience dans Tintin au Tibet (oui, bon, il y avait aussi Pinocchio et son criquet, Johan et Pirlouit, le Schtroumpf grognon et le Schtoumpf à lunettes, etc. ).


Créé en 1940, El otro Yo del Dr. Merengue fit plus tard les beaux jours de Rico Tipo, l'hebdomadaire créé par Divito en 1944 et eut même, dans les années cinquante, son propre supplément.
Je trouve le dessin incroyablement dynamique pour l'époque. Quant au style vestimentaire des chicas, il fit écrire à la revue Time en 1947 que, "pour les travailleuses porte­ñas (habitantes de Buenos Aires), Willy Divito faisait plus autorité que Christian Dior " !
J'en ai les yeux tout ébouriffés.

¡ Plop !

À la lecture de ces gags, je me dis que le politiquement correct ne date pas d'hier et l'envie me prend de mettre parfois ma bonne éducation de côté.
Quoique, faire un grand sourire au crétin qui me klaxonnait et m'insultait l'autre jour, tout en pensant au Dr. Merengue m' a rendu de particulièrement bonne humeur. Essayez !

Heureusement que sous nos latitudes et à notre époque, les docteurs ne se permettraient pas de telles pensées dans le dos de leur patient(e)s.

dimanche 19 avril 2009

Totoche Gadget

Rions un peu.



"CRRRAAAC !"

La carte tonnerre
dessins de Jean Tabary
in Pif Gadget n°141 du 01/11/1971)

Aaaaaaaaah, je ne m'en lasse pas.
Y'a pas à dire, on savait s'amuser à cette époque.

samedi 18 avril 2009

Forest in the Pocket

"Regain" de Jean Giono.

Au désespoir de mes professeurs de français et de Grand-mère Totoche (GMT) qui s'inquiétait de voir son aîné débile ne lire que des illustrés, j'ai toujours été un mauvais et laborieux lecteur.
Ainsi, quand du fait d'une mauvaise synchronisation des programmes, un prof me proposa d'étudier une deuxième fois ce roman, je ne me le fis pas demander deux fois : la "fiche de lecture" était déjà faite, c'était autant de temps gagné pour lire Les Tuniques Bleues, Sammy, Gil Jourdan ou Natacha. Pas con le jeune Totoche !
Quand je suis retombé sur ce bouquin dans la bibliothèque de GMT, je n'ai pu m'empêcher d'esquisser un sourire en me remémorant cette tricherie (la morale reste sauve puisque je m'étais finalement tapé une sale note).

Je me souvenais parfaitement de cette couverture qui m'avait marqué. Je la trouvais mystérieuse, discrètement érotique. Ses couleurs lui donnait un air froid et lugubre (du moins pour un daltonien).
Cette couverture qui...
Nom de nom, se pourrait-il que ... ?


Fouchtra ! Du Forest dans la bibliothèque de GMT, qui l'eût cru ?

Vérification faite dans "L'art de Jean-Claude Forest" de Philippe Lefèvre-Vakana aux éditions de l'An 2, il s'agit bien du même bonhomme qui a réalisé trente huit couvertures de romans pour Le Livre de Poche entre 1953 et 1964. Seuls deux projets refusés sont reproduits dans la monographie.
Il semble que j'aie eu de la veine de trouver son nom au dos du bouquin puisque l'éditeur refusait habituellement (d'après Lefèvre-Vakana) que les dessins soient signés, et quand ils l'étaient, recouvrait la signature par un texte ou un logo.


Je n'ai rien trouvé d'autre, ni dans la bibli de GMT, ni sur le web, à part chez les brocanteurs : ces illustrations sont bien tombées dans l'oubli.
Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte, petits veinards : Plan B(d) vous propose la seule galerie au Monde présentant une seule de ces couverture signées Jean-Claude Forest. C'est pas dingue, ça ?
Bon c'est vrai, ça fait un peu léger : je compte donc sur vous pour m'envoyer des scans et étoffer tout ça.

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Addenda du 20/04/09 : liste des couvertures réalisées par Forest pour la collection "Le Livre de Poche" (copié-collé de "L'art de Jean-Claude Forest" de Philippe Lefèvre-Vakana paru en 2004 aux éditions de l'An 2). Bonne chasse !


n° 42 : Colas Breugnon de Romain Roland (1953)

n° 86 : La Voie royale de André Malraux (1955) — sans certitude.

n° 1o3 : Journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos (1955)

n° 111 : Marion des neiges de Jean Martet (1955)

n° 130-131 : Un enfant du pays de Richard Wright (1955)

n° 137 : Le Facteur sonne toujours deux fois de James Gain (1955)

n° 151 : L'Atlantide de Pierre Benoit

n° 174 : Le Roi lépreux de Pierre Benoit (1956)

n° 191-192: Le Fond du problème de Graham Greene (1956)

n° 198 : Les Années d'illusion de A.J Cronin (1956)

n° 201-202 : La Tête contre les murs de Hervé Bazin (1956)

n° 316-217 : Pleure ô pays bien aimé de Alan Paton

n° 223-224 : La Chaussée des géants de Pierre Benoit

n° 240-241 : L'Affaire Maurizius de Jakob Wassermann (1957)


n° 249 : Une cloche pour Adamo de John Hersey (1957)

n° 256 : Typhon de Joseph Conrad (1957)

n° 264 : Les Enfants de l'oncle Tom de Richard Wright (1957)

n° 276 : Alberte de Pierre Benoit (1957)

n° 329 : Lève-toi et marche de Hervé Bazin (1958)

n° 359 : Le Mystère Frontenac de François Mauriac (1958)

n° 382 : Regain de Jean Giono (1958)

n° 402 : Moïra de Julien Green (1958)

n° 425 : Orient Express de Graham Greene

n° 489 : On achève bien les chevaux de Horace Mac Coy (1959)

n° 501-502 : Le Bruit et la fureur de William Faulkner (1959)

n° 506 : Le Mouchard de O'Flaherty (1959)

n° 539 : Le Basalte bleu de John Knittel (1960)

n° 567-568 : Un grand patron de Pierre Very (1960)

n° 633 : Le Déjeuner de Sousceyrac de Pierre Benoit (1960)

n° 663 : Le Puits de Jacob de Pierre Benoit (1961)

n° 750 : Stalky et Cie de Rudyard Kipling (1961)

n° 756 : L'Île au trésor de Stevenson


n° 828 : Le Visionnaire de Julien Green (1962)

n° 853 : Bande à part de Jacques Perret (1962)

n° 903 : Le Ministère de la peur de Graham Greene (1963)

n° 909 : Le Serpent d'étoile de Jean Giono (1963)

n° 1091 : Les Grands Chemins de Jean Giono (1964)

n°s 4055 et 4056 : couvertures pour les rééditions de Barbarella (1975).


Merci à Vasco (qui sait pourquoi).