samedi 23 mai 2009

Mise au poing

Kami vue par Li-An

Je ne connais rien du réalisateur Marc Lahore pour lequel Li-An a bûché travaillé comme character designer sur son court-métrage Kami...



..., mais j'ai bigrement l'impression qu'il aime les B.D. Delcourt..., non ?

Nävis, in Sillage,
Philippe Buchet et Jean-David Morvan,
éditions Delcourt
(ex-libris pour la librairie Fantasmagories)


vendredi 22 mai 2009

Karla et les townships

Cédant à la pression internationale, je rajoute donc une brève note sur le livre de la charmante et talentueuse Karlien de Villiers,"Ma mère était une très belle femme".


Or donc, c'est en 2007, dans une librairie berlinoise que je découvris avec stupéfaction « Meine Mutter war eine schöne Frau », le livre d'une certaine Karlien de Villiers, Sud-Africaine bien connue des habitués du festival Cyclone BD, née en 1975 au Cap où cette jeune maman vit actuellement, y enseignant les Beaux-Arts à l'université de Stellenbosch.
En effet, comment les allemands, soit disant attardés en matière de BD, pouvait-il avoir publié dès 2006 un album de Bande Dessinée aussi fort avant nous autres Français, officiellement à la pointe du Neuvième Art en Europe ? Une rapide recherche m'apprit que c'était suite à une rencontre avec la dessinatrice suisse Anna Sommer que les éditions zurichoises Arrache Cœur prirent l'initiative d'éditer ce livre.

Baby Blue

Devant la qualité de l'ouvrage, et vu mes restes en allemand, je décidai donc immédiatement de ne pas l'acheter misant sur une traduction prochaine outre-Rhin. (Le fameux théorème de Totoche (19..- 20..) veut effectivement que toute BD achetée en V. O soit systématiquement traduite en français dans le trimestre suivant. On cite souvent l'exemple de l'Éternaute des Argentins Solano Lopez et Œsterheld, datant de 1957, chiné en 2008 à Santiago du Chili, et somptueusement adapté chez nous le mois suivant par Vertige Graphic, mais je m'égare.)

Sauras-tu deviner, ami lecteur, quelles furent les premières lectures BD de la jeune Karlien ?

Pari gagné puisque je fis l'acquisition de l'album de Karlien en 2008 à Angoulême sur le stand des éditions Ça et Là du Buxangeorgien Serge Ewenczyk... avant de le laisser dormir plus d'un an dans la bibliothèque.
Bien que Mme Totoche (qui a toujours bon goût), plus littéraire, l'ait dévoré en moins de deux, le bon vieil amateur de BD franco-belge que je suis dut s'y reprendre à trois ou quatre reprises avant d'y venir à bout. Fin, délicat, émouvant, "Ma mère était une très belle femme" se mérite. Mais sans gros nez, gag de fin de page, ni guerrière en string, pffff, pas étonnant que j'en aie bavé pour apprécier toute sa richesse.

Alors..., toujours pas trouvé ses premières influences ?

De retour dans sa ville natale en l'an 2000, Karla (!), cadette d'une modeste famille afrikaner de deux enfants, se retourne sur son passé, essayant de faire le deuil de sa mère, emportée par un cancer du poumon en 1987. Elle se remémore la lente désagrégation de sa famille -ses parents ayant divorcé en 1982, ce qui était très mal vu à l'époque - mais également du régime de l'apartheid ainsi que de ses propres convictions politiques, idéologiques, religieuses, culturelles... Comment remettre en question ce que vous inculquent les enseignants et les médias quand son papa est concepteur d'engins militaires pour la Suid Afrikaanse Weermag et quand sa maman râle contre les coloured qui osent venir braver les blancs sur leurs plages réservées ou brûle les disques de Boney M ou d'ABBA pour préserver l'esprit de ses enfants ? Tout y sera balayé : sa mère et son pays "d'avant" donc, mais aussi son père, sa belle-mère, sa sœur, son petit ami. Karlien a même dû changé les noms de ses personnages pour éviter tout incident "diplomatique" ! La dernière case nous donnera peut-être une piste pour savoir comment Karla arrivera à se sortir, mais certainement pas indemne, de tous ces bouleversements.


Le contraste entre ces dessins "naïfs" et la gravité des évènements relatés rapproche plus ce livre du Persepolis de Marjane Satrapi que des histoires courtes, nettement plus trash, de la revue Bitterkomix dans laquelle on retrouve pourtant parfois la patte féminine de Karlien aux côtés de celles de ses compatriotes Joe Dog, Conrad Botes, Joe Daly ou bien encore Lorcan White (les big five). Avec douceur, sans la provocation de ses confrères, elle relate elle aussi, à sa manière, de la souffrance morale que l'apartheid a pu engendrer chez certains Afrikaners.


Bien que relatant habilement les drames vu par des yeux d'enfants, je trouve néanmoins que ces dessins n'ont tout de même pas la puissance des fantastiques toiles expressionnistes de Karlien de Villiers, dans lesquelles on devine, chez cette ancienne élève d'Anton Kannenmeyer (alias Joe Dog), l'influence des peintures murales africaines populaires, des masques africains, des illustrations de Conrad Botes, ou peut-être même de Loustal, et que j'aurai bien aimé retrouver, intégrées dans l'album.

Les allusions aux évènements politiques et historiques sont délicatement distillées et seront appréciées par ses rares compatriotes (la BD en général étant quasi-inexistante en Afrique du Sud, et le livre n'y est à ma connaissance toujours pas édité) qui liront cette histoire, mais peut-être un peu "justes" pour le lecteur étranger de base comme moi.
C'est sûr, on n'est pas dans un Oncle Paul et ce ne sont pas les deux petites pages consacrées aux cartes et au glossaire en fin d'album qui nous en apprendront beaucoup plus sur l'histoire mouvementée du pays. Le but de Karlien de Villliers n'était certes pas de faire un manuel d'Histoire ni une BD historique à la Zoulouland, mais je fus tout de même étonné que le nom de Nelson Mandela n'y soit évoqué qu'une seule fois, (et encore, par la bouche de Bruce Springsteen !) le long de ces quatre-vingt-seize pages.
Finalemement, "Ma mère était une très belle femme" se termine trop vite, alors que je commençais tout juste à m'intéresser à cette famille désunie, et avant l'élection de "Madiba" (oui, oui, je sais, c'était justement le piège dans lequel il ne fallait pas tomber...).

Voilà, donc, les deux petits mots promis pour cette bande dessinée dont même La Crainte a réussi a dire plus de bien que moi, c'est dire. Bien évidemment, on ne saurait tenir compte de mon avis pour découvrir sans délai cette BD à l'étrange goût salé de billtong, friandise typique de la nation Arc-en-Ciel !

À voir également : deux video-interviews de Karlien de Villiers sur le site de France 24.

lundi 18 mai 2009

Mon beauf est un très bel homme...

Enfin bon..., d'après Karlien de Villiers. Parce que bon..., franchement... (je suis en train de me demander si on a le droit de mettre des virgules après des points de suspension)

Non mais c'est vrai, qu'est ce qu'elle lui trouve de plus que moi ?

... Oui, évidemment, si on aime le style Kojak, alors là, oui, évidemment.

Bon, en plus, là, à côté de ce type tout menu, on voit bien qu'il est tout petit..., mais c'est vrai qu'il est loin, aussi. C'est vrai. Mais bon, quand-même.

Et vas-y que je te tire le portrait... Et gna-gna-gni, et gna-gna-gna. Ri-di-cule !

Quel tombeur ce Bof, bof, bof ! Vas-y, essaye avec Claire Wendling, puisque tu te crois si malin ! Même pas Cap ! (<--- data-blogger-escaped-blink="" data-blogger-escaped-de="" data-blogger-escaped-jeu="" data-blogger-escaped-mot="" data-blogger-escaped-super="">)

Pffff ! C'est bien la dernière fois que j'emmène cette enflure à une séance de dédicace.

mercredi 13 mai 2009

Boudins blancs

"Nunc est bibendum !..." (comme dit Mr Dupneu)
Bibendum narguant John Boyd Dunlop et le patron de Continental.

J'apprends à la lecture de l'excellent Klare Lijn International la tenue d'une exposition "Bibendum & Co" à Bruxelles.
L'occasion est trop belle pour sortir de la poussière ces vieilles planches de réclame, au ton orientaliste, réalisées pour l'Imagerie Pellerin d'Épinal respectivement en 1898 et en 1905, par le dessinateur français Marius Rossillon (1867-1946) alias O'Galop-Sonnet, mieux connu sous son pseudonyme O'Galop tout court.


On passe en quelques années
de "belles images illustrées pour la jeunesse"
à un style plus "Pieds-Nickeleste".

C'est d'une pile de pneus, anthropomorphique aux yeux des frères André et Édouard Michelin, et d'un projet d'affiche refusé au dessinateur O'Galop par une brasserie munichoise que naquit en 1898, sous la plume du dessinateur français, le fameux Bibendum terrestre, universellement connu aujourd'hui.
Pourquoi Bibendum ? Tout simplement car sur ce projet d'affiche apparaissait une espèce de Gambrinus, symbole des amateurs de bière, prononçant la locution latine "Nunc est bibendum" ("C'est maintenant qu'il faut boire"), empruntée à une ode du poète romain Horace. Le pneu Michelin, buvant l'obstacle, était représenté par O'Galop portant une coupe remplie de clous et de tessons à ses lèvres.


J'aime le côté franchouillard (pour ne pas dire "gros con") du personnage : fier, vaniteux, suffisant, belliqueux, alcoolo-tabagique et dragueur de gueuses, entre Abraracourcix, Mon Beauf, Ribouldingue, Robert Bidochon ou encore Blotch, le Roi de Paris.


Le concurrent de Gus Bofa parait bien fade,...

... à côté du Bibendum encagoulé par Jean Effel en 1938.

La version de Loustal me laisse indifférent, ...

... en revanche, le gros pépère pervers dégueulasse et frustré d'Avril,
mal à l'aise dans notre société devenue politiquement correcte m'a bien fait rire.

Les illustrations d'O'Galop et de Gus Bofa sont extraites du livre d'Olivier Darmon,
"Le grand siècle de Bibendum",
paru chez Hoëbeke en 1997 (épuisé).

++++++++


Bonus :

La rédaction de ce billet m'a permis d'apprendre qu'O'Galop fut également un des pionniers du dessin animé en France, avec Benjamin Rabier et Émile Cohl. En 1916, la fondation Rockefeller lui commanda ces trois films de prévention contre l'alcoolisme, la syphilis et la tuberculose :




lundi 11 mai 2009

Les Briseurs de Rêves

Le petit Nemo par Winsor McCay
Avec un "C", McCay, vous entendez : un "C", comme dans "cancre" !
Un enfant de cinq ans retiendrait ça !
Bon sang de bonsoir, c'est quand-même pas difficile à comprendre !
Combien de fois faudra-t-il vous le répéter ?!?...
Ah ça, pour envoyer des "textos", ils sont forts les mecs, hein, ils sont forts.
Mais pour écrire McCay correctement, là évidemment y'a plus personne.


Stupeur et consternation, pince-moi, maman : je dois être en train de rêver !
Je découvre sur le site Töpfferiana (où l'on peut admirer les planches dont j'ai tiré les images ci-dessous) que le vétéran Little Nemo in Slumberland, né en 1905 de l'imagination de Winsor McCay (du moins le croyais-je), ma plus grande Bande Dessinée préférée de tous les temps au Top 50 mondial de mon Panthéon personnel à moi, ne serait rien d'autre qu'un vulgaire plagiat. Abasourdissant. Si !

Le petit Lucien par Rip

Le petit Lucien par Job

Et si, finalement, l'art du pompage était inscrit dans les gênes de la BD ?... Bof.
Je tombe des nues, hop.

Little Nemo pompé par Geo McManus, etc, etc...
(in L'intégrale de Little Nemo in Slumberland, vol. IV : 1910-1911,
1990, Zenda)

dimanche 3 mai 2009

Blake is beautiful

To see a world in a grain of sand,
and a heaven in a wild flower,

hold infinity in the palm of your hand,

and eternity in an hour.
(William Blake - "Auguries of Innocence
"
)

Voir l'éternité dans un grain de sable,
le ciel dans une fleur sauvage,
tenir l'infini dans la paume de sa main,
l'éternité dans une heure.


Dans la famille Blake, je connaissais déjà Francis (Mortimer's boyfriend), ainsi que Le Roc, ("il grande", du studio EsseGesse). Il me manquait William (1757-1827), le graveur, peintre et poète romantique londonien, tout ça à la fois.
C'est chose faite depuis que Mme Totoche (qui a toujours bon goût) m'a emmené voir l'exposition consacrée au "Génie visionnaire du romantisme anglais" qui se tiendra au Petit Palais jusqu'au 28 juin.


Si j'avais lu "From Hell" d'Alan Moore et Eddie Campbell, j'aurais su que William Blake, qui y croise le spectre de Jack l'éventreur, y faisait une brève apparition.
Toujours est-il que je me suis esbaudi devant ses images (autant les petits "crobards" que les compositions plus travaillées) hallucinantes, surnaturelles, annonciatrices de l'art fantastique.

The Tyger

Ses livres illustrés sont des merveilles : Blake inventa la technique de l'eau forte en relief, ce qui lui permit de les auto-éditer, gravant non seulement ses dessins qu'il retravaillait ensuite à l'aquarelle et à la plume, mais également ses propres textes. Chaque version est donc unique, comme on peut s'amuser à le vérifier sur le passionnant site consacré à son œuvre (sélectionner une image puis cliquer le bouton "compare"+++).

Europe supported by Africa and America

A Negro Hung Alive by the Ribs to a Gallows

Influencé à ses débuts par l'art gothiques de l'abbaye de Westminster où il fit son éducation artistique, ce contemporain de Füssli retranscrit petit à petit sa propre vision excentrique, iconoclaste, parfois pessimiste, des récits bibliques. Pas étonnant qu'il fut incompris à son époque et qu'il soit adoré - au grand dam des journalistes de "Connaissance des Arts" - par tous les amateurs de Donjons & Dragons et d'héroïc-fantasy.

The great red Dragon and the Woman clothed in Sun

Je le trouve aussi "fou" que Jérome Bosch, mais certains dessins ont également quelque chose de Goya ou de Redon.
By Jove !

extraits de "From Hell"
d'Alan Moore et Eddie Campbell,
éditions Delcourt (2000)


The Ghost of a Flea, réalisé d'après une de ses visions.

(crobard de crobard)