lundi 30 juin 2008

Le vieux fou et son dessin


Connaissez-vous le point commun entre Katsukawa Shunrô, Tawaraya Sôri, Hokusai Tokimasa, Gakyôjin Hokusai, Taito, Iitsu, Manji (Tiens ! Encore un svastika échappé du billet précédent ?) Gakyôrojin, et Shinshoku Gankô ?
Oui ?
Evidemment, j'aurais dû m'en douter, avec des lecteurs aussi cultivés que vous ...
Bref, je passe encore pour un gros naze, puisqu'apparemment, il n'y avait encore que moi pour ignorer que sous ces délicieux patronymes à donner la chair de poule à un orthophoniste fraîchement diplômé, se cachait le fameux Katsuika Hokusai (1760-1849), figure emblématique de l'estampe japonaise dans l'imaginaire occidental.


Heureusement, le Musée Guimet est là pour décrasser mon inculture avec cette très belle exposition intitulée "HOKUSAI "l'affolé de son art" d'Edmond de Goncourt à Norbert Lagane", ouverte jusqu'au 4 août 2008.


Il serait dommage de ne pas en profiter lors de votre prochain passage dans la capitale, d'autant plus que l'entrée du musée est désormais gratuite.


J'apprécie l'auteur des "Cent vues du mont Fuji" non seulement pour ses merveilleuses "images du monde flottant", (ukiyo-e), qui nous parlent de choses et de gens "simples", mais aussi pour son exceptionnelle ouverture d'esprit qui lui a permis d'être LE lien entre les cultures nippone et européenne, à un moment ou cela était difficilement imaginable.


Apprenant et appliquant à la perfection les règles européennes de la perspective, imitant les techniques françaises et hollandaises de gravure sur cuivre ainsi que les effets de la peinture à l'huile, profitant de l'introduction du Bleu "Berorin" (prononciation japonaise de Berlin, c'est à dire le Bleu de Prusse) pour sublimer les paradoxales quarante-six estampes des "Trente-six vues du mont Fuji", il fut à l'inverse également une énorme source d'inspiration pour Van Gogh et les Impressionnistes, les Nabis, les Symbolistes et l'Art Nouveau ...


Enfin, rappelons qu'il est - sous le pseudonyme de Taito - le créateur de LA "Manga", qui réunit en 15 volumes (dont 3 posthumes), publiés entre 1814 et 1878, des milliers d'illustrations du quotidien de cette époque, démontrant une fois de plus, et malgré une économie de moyens, son imagination, son humour, sa liberté et la vivacité de son trait.


L'exposition permet également de découvrir d'autres artistes contemporains tels Yashima Gakutei, Shiba Kôkan, Shôtei Hokuju ou bien encore Katsuika Taitô II ...


Preuve que le talent n'empêche pas forcément la modestie, Katsushika Hokusai écrivait dans sa postface aux "Cent vues du mont Fuji" :
« Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole. Ecrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin. »



(- Premier avertissement pour les amateurs de manga pur jus : l'exposition, bien que superbe, ne présente pas toutes les pages de la Manga montrées ici !
- Second avertissement, pour Hobopok qui n'aime pas les mangas : vas-y quand même, il y a une salle spéciale "adulte" qui devrait te satisfaire, avec des shunga montrant plein de bijin à poil !)


Pour mémoire, en 2004, l'Östasiatiska Museet de Stockholm avait réalisé l'exposition "De Hokusai à Dragon Ball" qui avait donné lieu à un catalogue ainsi qu'à un CD-Rom de "la Manga" d'Hokusai.




Pas loin de 3000 images de Hokusai à voir ici !

Oui, je sais, c'est long ...
Et encore, estimez vous heureux que je n'aie pas publié ce billet dans le sens de lecture japonais !

dimanche 29 juin 2008

C'est dimanche, alors bon dimanche ...


Aujourd'hui c'est dibanche, alors pas de billet, désolé ! Je souffle un peu et j'essaie de be rebettre d'un gros, gros rhube (probablement québécois) !
J'en profite pour signaler que j'ai ajouté quelques petites ibages sur les billets consacrés à :
Baudoin,
Daumier,
Dumontheuil,
et Zucca.
Pour les fidèles qui avaient lu le billet sur Daan Jippes "en direct", sachez que j'y ai aussi rajouté plein d'ibages piqués sur le ouaibe.

A ... Aa .. Aaaaaa ... Aaaaaatchi !

A lundi, donc ; avec du manga ! Snirflll !

samedi 28 juin 2008

Les Filles du Presing

A l'occasion de la sortie en salle le 30 juillet de "Wall.E", le dernier-né de la famille Pixar, la galerie Arludik, située dans l'île Saint Louis, a eu la bonne idée d'exposer quatre des jeunes talents les plus doués des studios d'Emeryville, Californie : vous pourrez donc y découvrir jusqu'au 23 août des illustrations personnelles de Bill Presing, Enrico Casarosa, Jennifer Chang ainsi que de Scott Morse, qui ont également œuvré auparavant sur "Les Indestructibles" et "Ratatouille".

Jeu : compte-tenu du nombre de filles dévêtues au centimètre carré,
calculez la plus -value qu'aurait effectuée Bill Presing
s'il avait vendu cette planche à la galerie Frédéric Bosser.


A l'occasion du vernissage, Bill Presing était de passage à Paris ce 24 juin afin de présenter son deuxième sketchbook auto-édité qui était ... malheureusement resté coincé à l'imprimerie ! Il aura au moins une bonne excuse pour revenir faire un peu de tourisme chez les mangeurs de grenouilles !

Coming soon ...

C'est en voyant peindre sa maman et en se demandant pourquoi elle n'était pas célèbre que le petit Bill, originaire du New-Jersey, décide qu'il sera un jour un artiste reconnu !
Adolescent, il s'oriente donc vers la carrière d'auteur de comics et rentre à la Joe Kubert Scholl of Cartoon and Graphic d'où il sortira diplômé en 1996.


Cette période ne s'avérant pas particulièrement favorable aux comics, il se tourne alors vers le monde de l'animation en tentant sa chance dans différentes boîtes de production new-yorkaises.
Il se fait vite repérer par ses talents d'encreur, ce qui lui permet d'aborder différentes tâches comme le character design, le storyboard (déjà pour des séries-live de chez Disney, puis plus tard pour des séries animées comme "Sheep in the City" ou "The Venture Bros"), ainsi que la supervision ou la réalisation de décors.
Il crée également, pour le ouaibe, la série d'animation Flash "Gotham Girls" (un spin-off de Batman), avec les personnages Ivy et Harley (sur lesquels ont également travaillé Shane Glines et Bruce Timm).

10 pages de "Rex Steele" à lire en ligne ici.

Il trouve tout de même le temps de créer avec son ami Matt Peters les aventures de "Rex Steele, nazi smasher" dont 3 volumes seront édités par les New-Yorkais de chez Monkey Comics, et qui lui vaudra une nomination aux Ignatz awards en 2000.
Ces aventures ont été compilées chez nous en 2007 par
Akiléos en un solide et dispendieux album cartonné.


Pour faire plaisir à Hobopok (les autres peuvent sauter directement au paragraphe suivant, juste après Rocketeer***** ===> ), je vais me mouiller un peu en écrivant que cette énième parodie du "super-héros patriote étasunien pourfendeur de nazis", lointain descendant de Spy Smasher créé par Bill Parker et C.C Beck pour DC Comics en 1940, ne m'a pas tout à fait convaincu : certaines scènes, comme la rencontre avec les Amazones ou le combat aérien contre le Baron Rouge et son triplan-fantôme, sont certes très réussies du point de vue graphique, mais ces courtes histoires aux trop rares gags manquent un peu de punch et ne permettent ni le développement d'un véritable scénario, ni l'attachement aux personnages qui restent trop superficiels.

L'agrandissement au format 31 x 22 cm me parait inopportun : certaines planches, bien que correctement dessinées, paraissant presque vides, avec 3 ou 4 cases seulement ... Et ce n'est pas la brièveté ni l'insipidité des textes qui allongeront le temps de lecture ...
On regrette également l'absence de couleurs directes auxquelles Presing (dont le dessin a par ailleurs évolué depuis ces -presque- dix années) nous avait habitué avec ses pin-up.
Enfin et surtout, je dois dire que j'ai été agacé par la profusion des svastikas (on en compte plus de 75 sur la page de garde !!!) dont le dessinateur prend un malin plaisir à parsemer ses pages.


Certains classent Rex Steele entre Tom Strong* et Captain America, mais on pourrait également le comparer au très beau "Rocketeer" **de Dave Stevens, ou bien encore à l'excellent "Danger Girl"*** de J. Scott Campbell et Andy Hartnell.

*

**

***

===> (***** Si vous ne vous appelez pas Hobopok, c'est ici pour reprendre la lecture)

Rex Steele sera à son tour adapté en dessin animé par un étudiant en animation, Alex Woo, pour son film de thèse et afin de servir de pilote à une éventuelle série ...


Il semblerait néanmoins que le projet n'ait pas abouti. Les séries mettant en scène des nazis, aussi ridicules et/ou sexy fussent-ils, ne font apparemment plus rire les producteurs (et c'est peut-être heureux ... ?). On n'est plus à l'époque de "Hogan's heroes" (Stalag 13 ou Papa Schultz en français) !

Plusieurs séquences du film ont été réalisées en images de synthèses.

Fatigué de travailler pour la télévision, il frappe alors à la porte de Pixar qui l'embauche aussitôt pour travailler sur "Ratatouille" ainsi que sur le court métrage "Mr Indestructible et ses copains". Il y est actuellement Art director.

Pour moi, son trait rondouillard, très "cartoon", le rapproche plus de la bande dessinée franco-belge que du comics US, peut-être aussi parce que Morris ou surtout Uderzo se sont inspirés, à leurs débuts, des dessins animés américains qu'ils avaient vus enfants ?
Mais même s'il reconnait avoir lu tardivement Astérix ou Tintin, Bill Presing ne se reconnait bien évidemment aucune influence franco-belge !
Je suis néanmoins tombé des nues lorsque j'ai découvert dans un entretien (dont je me suis largement inspiré pour sa biographie) que ses dessinateurs préférés étaient, à côté de Mike Mignola, Ronnie Del Carmen ou Akira Toriyama, tenez-vous bien ... : Jordi Bernet, Denis Bodart, Didier Conrad, Kerascoët, Henk Kuijpers et Joann Sfar !!!
Rien que pour ça, Bill Presing méritait ce billet !

Le premier sketchbook auto-édité par Bill Presing,
que l'on peut commander sur Daily Peril.



Bill Presing n'est peut-être pas tout à fait perdu pour la bande dessinée : il reste très discret sur son nouveau projet, une histoire de science-fiction, qu'il aimerait réaliser en couleurs directes (aquarelle et encre) ...


Many thanks to Bill who let me have a look at his beautiful "Book Plate Betties"' artwork !

lundi 23 juin 2008

Fumetto Noir


Tome 1 : La scomparsa (la disparition) di Amanda Cross
(Pour la petite histoire, Amanda Cross est le pseudonyme sous lequel Carolyn G. Heilbrun
a publié quatorze romans policiers. Elle s'est suicidée en 2003.)

Pour vous remettre de vos émotions générées par le billet sur la bande dessinée finlandaise, je vous propose d'évoquer une petite série transalpine plus "gros-nez" dont j'ai fait la découverte il y a déjà quelques temps lors d'un voyage d'étude (hum !).


Créé en 2001 par Claudio Nizzi et Massimo Bonfatti pour le compte des éditions Bonelli, Leo Pulp est une bonne grosse caricature des détectives privés à la Mike Hammer, Dick Tracy, Sam Spade ou Philip Marlowe, que n'aurait sans doute pas renié le regretté Benito Jacovitti et dont les enquêtes se déroulent dans le milieu cinématographique du Los Angeles des années 40 : Hollywood, revu par Cinecittà en quelque sorte !


La barmaid amoureuse, le commissaire rouspéteur mais bienveillant, les poursuites en grosses bagnoles chromées, les mitraillages à chaque coin de rue, les gorilles barraqués mono-neuronaux, les bars enfumés, les femmes fatales en nuisette ... Tous les ingrédients sont réunis pour faire sourire le lecteur avec cette agréable impression de "déjà-vu"... Mais comment l'intègre Leo Pulp va-t-il se sortir de ce guêpier ???


Le scénariste, Claudio Nizzi, né en 1938 à Sétif en Algérie, est notamment connu pour sa série-fleuve policière Nick Raider, dont 200 fumetti et 10 albums spéciaux sont parus entre 1998 à 2005 chez le même éditeur. Sa passion pour les romans et films noirs étatsuniens , en particulier ceux de Raymond Chandler, James Ellroy, Howard Hawks ou encore Billy Wilder, est à l'origine de cette trilogie.

Massimo Bonfatti, le dessinateur, est né en 1960 à Modène, où les deux auteurs résident actuellement. Il a appris le métier aux côtés de pointures italiennes comme Bonvi, Silver et Clod.
Son trait (trop ?) méticuleux et le soin qu'il apporte à la réalisation de chacune des cent pages constituant chacune de ces aventures honnêtement colorisées informatiquement par Cesare Buffagni, ainsi que ses nombreux autres travaux parallèles (Lupo Alberto, Cattivik ...), ne lui ont permis de réaliser quant à lui, que trois aventures de Leo Pulp entre 2001 et 2007, autant dire une goutte d'eau dans la production faramineuse des éditions Bonelli !

On imagine que ce contraste, tant qualitatif que quantitatif ait malheureusement pu perturber autant l'éditeur que les lecteurs, et soit peut-être à l'origine de l'arrêt prématuré de cette sympathique série, sans prétention certes, mais qui mériterait, selon moi, une traduction de ce côté-ci des Alpes.




Tome 2 : I diletti (les meurtres) di Sunset Boulevard

tome 3 : Il caso della Magnolia Rossa (l'enquête du Magnolia Rouge)

Une petite brochure de huit pages, reprenant certains dessins et préfacée par François Corteggiani a été réalisée dans notre langue à l'occasion du dernier festival d'Angoulême :




On signalera deux interviews, publiées simultanément en juillet 2007 par les excellents mensuels Fumo di China et Scuola di Fumetto, que l'on peut lire (en italien, évidemment) sur le site de Massimo Bonfatti.


Leo Pulp vu par Corrado Mastantuono.

Hasard du calendrier du blog : on trouve également une référence au film de Howard Hawks "Le grand sommeil" ("The big sleep") dans le premier tome du RASL de Jeff Smith dont nous avons parlé la semaine dernière !



***Fine***