vendredi 31 juillet 2009

Maigret et le peintre de papier (Maigret e il pittoro di carta)


Ferenc Pintér (1931-2008) est un illustrateur italien d'origine hongroise, dont j'ai découvert les travaux cet été à Turin chez Little Nemo, une librairie-galerie-maison d'édition qui exposait de splendides originaux.

Pintér apprit le dessin à Budapest où il vécut jusqu'aux événements de 1956, avant de s'exiler définitivement dans son pays natal, l'Italie.
Là, les peintures murales publicitaires qu'il réalisa le firent vite repérer par les éditions Mondadori qui l'engagèrent pour illustrer les couvertures de leurs romans. Riche idée : il en réalisera ainsi plus de mille sur une période de trente ans, aussi bien pour les poèmes de Cesare Pavese et les romans de la Sarde Grazia Deledda que pour les récits de John Steinbeck, Ray Bradbury, John Le Carré ou encore Agatha Christie !


Mais ce sont surtout les couvertures de la série des Maigret réalisées de 1961 à 1991 qui feront connaitre Ferenc Pintér du grand public italien. S'inspirant à l'origine de Jean Gabin pour les premières jaquettes, il empruntera par la suite les traits de l'acteur italien Gino Cervi qui interprétait à l'époque le commissaire dans les téléfilms adaptés par la R.A.I.

Certaines couvertures furent dessinées deux fois car les romans étaient publiés parallèlement dans deux collections :
- pour la collection Omnibus Gialli, Maigret apparaissait systématiquement en plan rapproché avec seulement quelques minuscules indices en arrière-plan pour intriguer l'acheteur potentiel.


- la collection Oscar Mondadori, plus luxueuse, laissait plus de place et de liberté à l'artiste, lui permettant d'être moins répétitif, plus subjectif, et de créer de véritables mises en scène, quelquefois délicieusement décalées. Pintér inclura ainsi parfois dans ses dessins des photographies et changera même radicalement de style dans les années 70 en utilisant de simples stylos-feutres. Pour cette collection, le personnage de Simenon se fait plus discret, apparaissant comme un simple accessoire, se fondant dans le décor, quitte à en disparaître presque complètement, comme pour mieux piéger l'assassin (et par la même occasion le lecteur) sur la scène du crime !


Nombre d'illustrations évoquent les Fauves et les Nabis comme le souligne fort justement Santo Alligo dans le superbe recueil Tutti i Maigret di Pintér,(en italien, donc...) paru en 2008 chez Little Nemo (qui consacrera d'ailleurs un second ouvrage à l'artiste l'an prochain). Je n'ai pu également m'empêcher de penser à Magritte (la pipe ?) ou Savignac (cf infra). Pourtant, c'est Matisse que ce "peintre de papier" (pittoro di carta) - pour reprendre l'expression des éditions Little Nemo - semblait apprécier le plus...


On aurait pu craindre que le flot d'images de cette compilation engendre une certaine lassitude, hors il n'en est rien grâce à la beauté des images (superbement reproduites), à l'humour et à l'imagination foisonnante de Ferenc Pintér.

Ceci est-il une pipe ?

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Liens :
Un site (en italien) est dédié à
Ferenc Pintér.
Une petite galerie chez Little Nemo.
Presque tout (?) sur Georges Simenon, dont des couv' de
Maigret par Pintér, sur ce site.

lundi 27 juillet 2009

Spéciale Boyington


Aaaaaaah, Buck Danny, toute mon enfance !
Ça c'était de la bonne vieille BD couillue qui se prenait pas la tête.

"Ra-ta-ta-ta-ta-ta ! Vrrrroooooaaaaarrrr !
- Prends ça dans la gueule, sale jaune ! Allez, hop : à la baille ! Non mais, on va pas se laisser emmerder par ces putains d'enculés de faces de prune !
- Du leader : je décroche ! Over.
- Dis Buck, quand-est-ce qu'on mange ?"

...?!?... Euuuh..., en fait, je suis plus bien sûr, là. Faudrait p'têt que je relise un coup, ça commence à dater...

Je me souvenais qu'avant de reprendre au début des années 80 avec brio et Jean-Michel Charlier les aventures de Buck Danny, suite au décès du dessinateur historique Victor Hubinon, Francis Bergèse avait illustré les boîtes de maquettes d'avions Heller de mon enfance et que certaines de ses illustrations aéronautiques avaient été reprises dans un livre intitulé Mes Avions de Papier, paru aux éditions Lefrancq en 1991.

N'empêche, ça m'a fait un choc lorsque j'ai découvert cet été, en allant piquer une bouteille de Château-Simone dans la cave de ce coquin de Beau-Papa, sa collection, pieusement conservée, de "L'Album du Fanatique de l'Aviation" des années 70, somptueusement enluminée par Bergèse.









Ne se contentant pas d'illustrer quelque unes des unes, Bergèse rédigeait également de pointus papiers, se rôdant ainsi à l'écriture, sans imaginer qu'il endosserait aussi un jour la combinaison de scénariste de feu Charlier. Ultime consécration, ses connaissances aéronautiques lui permirent même de devenir rédacteur en chef du magazine en 1973.


Aujourd'hui, il semblerait qu'il ait renoncé à poursuivre les aventures de Buck Danny, débordé d'après ses propres dires, par les nouvelles technologies.

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Plan B(d) présente :

Les Belles Histoires d'Onc' Francis.

Aujourd'hui : le Focke-Wulf F-19 "Ente" (modifié 39*)
(*private-joke)

Le saviez-vous ?
Le Focke-Wulf fut le seul aéroplane contrepètrique jamais construit,
il s'écrasa comme une merde en 1927, aplatissant mortellement son pilote.




Bon allez ça suffit pour aujourd'hui... Pffff, qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour garder ses lecteurs, j'vous jure...
Allez, je décroche.
Over.

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Bonus : une petite galerie sur Flickr.

dimanche 26 juillet 2009

Havank-première


En attendant le retour d'Havank, (dont le second tome est déjà en vente sur le site du magazine hollandais Eppo qui l'a pré-publié (tout comme le dernier Franka, d'ailleurs !), j'ai réussi à chiper deux superbes planches sur le site d'une galerie berlinoise :


Havank est en fait le pseudonyme de H. F. (Hans) van der Kallen, l'auteur (néerlandais) d'une série de polars relatant les enquêtes menées dans le sud de la France par deux inspecteurs : Bruno Silvère et Charles C.M. Carlier -alias "l'ombre" (de schaduw)- et ayant eu leur heure de gloire dans les années 50.

Comme Tardi l'avait fait avec le Nestor Burma de Léo Malet, Danier - alias Daan Jippes - a eu l'heureuse idée de donner une seconde vie à ces personnages en leur faisant résoudre leurs énigmes en bandes dessinées, mais en adoptant un style rappelant celui qu'André Franquin et Maurice Tillieux utilisaient à l'époque pour les aventures de Spirou et Fantasio et de Gil Jourdan.

La première aventure, qui fut traduite l'an dernier en France dans la collection Paris-Bruxelles par Glénat, avait déçu pas mal de lecteurs qui jugeaient le scénario faiblard et regrettaient la place disproportionnée que prenait la poursuite automobile au sein de l'histoire.
L'analyse par José-Louis Bocquet du Gant à Trois Doigts (neuvième album de la série Gil Jourdan) dans le n°15 de Casemate paru en mai 2009 m'avait du coup amusé puisqu'il y soulignait exactement le même défaut : Tillieux avait dû boucler l'histoire en catastrophe, contraint par le format exigu des fameuses quarante-quatre pages imposées par l'éditeur.
Danier avait-t-il poussé le vice jusqu'à reprendre les travers de son illustre aîné ou bien s'était-il fait surprendre, trop occupé à prendre son pied en torturant, tel un Jidéhem ou un Denayer fou (de mécanique), de voluptueuses carrosseries ???


Bon, maintenant que le décor a été planté, espérons qu'il sera arrivé à rectifier le tir dans ce nouvel album à défaut de pouvoir en augmenter la pagination.
Quoi qu'il en soit, au Plan B(d) où la mauvaise foi est de rigueur, on est déjà conquis !

jeudi 23 juillet 2009

Vol 714 pour Durban


Dans la vie comme dans les bonnes bandes dessinées, il faut se méfier des apparences.
Souvenez-vous : dans Tif et Tondu, c'était Tif le chauve et Tondu le touffu. Et Bien dans Commando Colonial c'est pareil : c'est bien Antoine qui est de Maurice alors que Maurice, lui, est originaire de la Réunion.

Bref, toujours est-il que la Seconde Guerre Mondiale paraît bien loin en cet été 42, dans le canal du Mozambique que survolent nos deux Mascarins, chargés par le B.C.R.A. (Bureau Central de renseignements et d'Action, le service de renseignements du général De Gaulle), de convoyer de précieux documents qui pourraient bien changer le cours du conflit... Jusqu'à ce que le destin en décide autrement en contraignant le petit appareil qui les conduit en Afrique du Sud à atterrir en catastrophe sur Europa*, un îlot pas si désert que ça. (Souvenez-vous : les apparences...)

Appollo s'amuse à renouveler le genre en détournant les clichés et en multipliant les fausses pistes, alternant répliques incisives, dissertations philosophiques -"Ach ! La guerre, groß Malheur ; fous reprendrez bien eine tasse de thé mon kolonel..."- , longues plages de sable fin et de silences contemplatifs.


Humour noir, suspense, exotisme, scènes d'action et drames : le cocktail (qui manque peut-êtrequand même un peu de cul), impeccablement servi par la ligne claire faussement gentille (toujours les apparences...) de Brüno et la mise en couleur très soft de Laurence Croix, fonctionne à fond et a en tous cas séduit la rédaction.


Antoine et Maurice arriveront-ils à réparer leur avion ?
Trouveront-ils la fameuse Croix du Polak ?
Quel terrible secret renferme la carcasse rouillée du navire échoué sur la plage d'Europa ?
À qui sont destinées toutes ces noix de cocos en stock ?
Y a-t-il réellement des crocodiles dans l'Océan Indien ?
Laurence Croix écoute-t-elle trop les Beatles ?
Appollo a-t-il fait allemand première ou deuxième langue ?
Arrivera-t-il à répondre à toutes ces questions en quarante-quatre pages ?
Vous le saurez en lisant Le Loup Gris de la Désolation, second tome de la série Commando Colonial, paru le mois dernier aux éditions Dargaud dans la collection Poisson-Pilote.

Quant à savoir où Brüno puisait son inspiration pour ses cadrages aériens péchus, ce n'est plus un mystère depuis longtemps pour les lecteurs du Plan B(d)...



L'immatriculation du Lynander n'aura pas échappé
à Elouarn et aux autres amateurs de clins d'œil en BD.
La ligne claire, y'a pas plus efficace !

Inutile de préciser que c'est avec impatience que nous attendons la suite.

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Les jeux pourris de l'été :

Une méchante coquillette s'est glissée
dans le billet de nos confrères de Télérama,
sauras-tu la dénicher ?

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Le saviez-vous ?

On peut jouer au ping-pong à Europa.
(authentique)

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(* On rappelle que l'île d'Europa a déjà été explorée par l'historien, écrivain et scénariste (Les Fils de l'Aigle) réunionnais Daniel Vaxelaire dans L'île des damnés, ainsi que par Dominique Sérafini, le dessinateur des Aventures de l'équipe Cousteau en bandes dessinées !)

mercredi 22 juillet 2009

Les fouilles curieuses de Totoche


La rédaction du Plan B(d) a omis de préciser, dans son billet du 20 juillet consacré au magazine italien ANIMALs, que le fil rouge de ce second mais néanmoins estival numéro n'était pas - ce qui serait impensable en cette saison en France- le cul, mais plus ou moins l'Empire du Milieu, d'où la présence dans ses pages d'un extrait de Shenzhen.
Signalons d'ailleurs aux nombreux lecteurs amateurs de yoga abonné à ce blogue que c'était à peine zen que Guy Delisle était devenu accro à la Chine.
Sur son blogue, l'auteur québéquois, qui a plusieurs fois séjourné en Asie ces dernières années, précise d'ailleurs qu'il était même arrivé à l'époque à pied à Shenzhen.
Allez, je retourne glisser dans la piscine car je reconnais que la canicule n'a rien pour m'emballer.

mardi 21 juillet 2009

Top Daube


Écolo de la première heure, j'ai enfin trouvé comment recycler mes pourriels.
Merci, Big Brother.
Le Plan B(d) est fier de vous présenter :

Youpi ! Les jeux pourris de l'été : Ouaiiiis ! Vive Totoche !



Parmi le Top 10 de Mr (ou peut-être Mme ?) Amazon se sont insinuées quelques belles daubes bien gratinées : sauras-tu, virtuel mais néanmoins fidèle ami lecteur, aider le pauvre Totoche à séparer le bon grain de l'ivraie ?
Attention, c'est difficile, il y en a plusieurs ! N'hésite pas à te faire aider.

lundi 20 juillet 2009

Fumetti Paradiso

Paolo Bacilieri à la une du n°2

Après Scuola di Fumetto (un mensuel d'information sur le Neuvième Art), Blue, X Comics et Classici dell'erotismo (qui publient des BD2Q), les intrépides Romains de Coniglio Editore ont mis sur orbite au mois de mai leur cinquième mensuel consacré aux fumetti : ANIMAls, consacré cette fois-ci aux récits "d'auteur" (Un sixième magazine, Mangaka, a même vu le jour ce mois-ci : la crise épargnerait-elle les fumetti ?).

Comme on peut le lire sur le site de l'éditeur (et surtout si l'on en croit la traduction-maison ! ), "ANIMAls (se définit comme) un magazine souhaitant aborder la réalité et le présent sous différentes formes, avec poésie et ironie, non seulement par le biais de récits autobiographiques et de témoignages, mais aussi grâce à des fictions, néanmoins éloignées des schémas habituels et des BD de "genre". À côté de ces bandes dessinées, on trouvera des nouvelles d'écrivains italiens et étrangers, des reportages, des carnets de croquis, traits-d'union entre BD et journalisme, ainsi que des interviews et divers autres articles et rubriques..."

C'est à Gipi que l'on doit la couverture du premier numéro

Quelques auteurs bien connus en France animent- côté BD- cette seconde livraison, comme Gipi, Bacilieri (alias Baciliero, au style sans cesse changeant), Lewis Trondheim et Guy Delisle (avec des reprises des Petits Riens et de Shenzhen), mais également Bastien Vivès (dont Le Goût du Chlore vient d'être traduit en italien par Black Velvet), une nouvelle fois là où on ne l'attend pas, avec de brèves histoires de guerre à l'humour aussi absurde que noir, dans un style minimaliste "façon blogue" (peut-être peut-on y voir un clin d'œil à un de ses maîtres, l'Italien Gipi, à qui l'on doit justement les excellentes Notes pour une histoire de guerre ?).

© Alberto Pagliaro

Au sommaire également, Alberto Pagliaro dont le trait rappelle parfois celui du Galicien Miguelanxo Prado, et peut-être aussi celui de Cyril Pedrosa. Son nom vous dit peut-être quelque chose puisqu'il a déjà travaillé pour Casterman et œuvré sur le collectif Les Enfants Sauvés paru chez Delcourt auquel Li-An a également participé. On devrait retrouver prochainement Pagliaro chez Dargaud et Kstr.

Deux dessinateurs de l'écurie Bonelli, libérés pour l'occasion de leur série-fleuve, témoignent de leur capacité à produire autre chose que du petit-format à la chaîne : Angelo Stano, dessinateur-vedette et illustrateur attitré des couvertures de Dylan Dog, dont les pages du carnet de croquis ont petit goût d'Egon Schiele, et Thomas Campi, dessinateur de la série policière transalpine Julia, qui présente ici quelques jolies feuilles de son expérience chinoise.

© Thomas Campi

Makkox, que je découvre, se met quant à lui en scène sous les traits d'un canard anthropomorphe, peut-être afin de ne pas trop déboussoler les lecteurs de Paperino (NdT : Donald en italien) ; néanmoins, son trait nerveux et haché ne risque pas de le faire confondre avec un Cavazzano ou un Mastantuono !

© Makkox

Mais le véritable choc graphique de ce numéro a été la découverte de Riccardo Mannelli, dont le réalisme cru et glacial des images, (rappelant -très- vaguement celles de son compatriote Liberatore, et -plus sûrement- les images libidineuses du Belge Félicien Rops), à la croisée de la bande dessinée et du reportage illustré, ont quelque chose de dérangeant. La visite de son site est vivement conseillée aux amoureux (certes avertis) de "beau dessin".

© Riccardo Mannelli

Voilà, si vos pas vous mènent cet été en Italie, ne manquez surtout pas de déguster, par exemple en sirotant un spritz à la terrasse d'un café, les cent pages -de surcroît exemptes de publicité, hormis quelques rares annonces auto-promotionnelles)- de ce jeune magazine plutôt bien gaulé. Il ne vous en coûtera que cinq malheureux euros, et vous le trouverez facilement dans tous les bons kiosques à journaux... pardon edicole, de la péninsule.
Ceux qui restent en France pourront se consoler avec le Pilote spécial 69 (sic), annuel (re-sic)...

Davide Toffolo signera la très belle une du n°3.