jeudi 31 juillet 2008

Busherie-Charcuterie


En mai 2006, dans la belle démocratie des États Unis d'Amérique, le soldat Jared Guinther, était rendu à la vie civile.
Ce jeune homme de 18 ans, originaire de Portland, Oregon, avait pourtant été jugé apte par les services recruteurs pour servir comme éclaireur de cavalerie, une des affectations les plus dangereuses de l'armée.
Et pas pour rigoler, hein ... puisque c'était pour servir de chair à canon en Irak.
Une prime de 4.000 $ cash et une autre de 67.000 $ pour ses études lui avaient été promises afin de convaincre ce jeune aventurier de signer le petit contrat d'embauche qu'on lui proposait...

Seul petit détail qui avait échappé à ces étourdis de sergents et médecins recruteurs... : Jared est autiste depuis l'âge de 3 ans, appuyant sur des boutons pendant des heures, s'amusant avec le même jouet durant des jours entiers. Ce brave garçon est même effrayé par le bruit de la tondeuse à gazon et panique dès que l'on tire la chasse d'eau ...
Pas un problème pour nos sympathiques amis militaires, puisqu'en dépit de son handicap, Jared passa avec succès les tests de recrutement, obtenant plus que le minimum requis pour être engagé (ça rassure ...).
De toutes façons, il n'était même pas au courant qu'il y avait une guerre en Irak (non, je ne déconne pas : vous pouvez allez vérifier ces informations sur le site d'ABC news ou de CBS news par exemple !)
On plaint les pauvres recruteurs qui doivent avoir sacrément la pression pour sacrifier de nouvelles recrues à la gloire de George Deubeliou.


Le génial Kyle Baker a eu le courage, dans ce pays bien pensant, de tirer une histoire de cette "anecdote". Contrairement à ses précédentes créations, le comic-book "Special Forces" ne sera néanmoins pas auto-édité, mais publié par la maison Image Comics.

Adoptant, une fois de plus, pour cette histoire, un nouveau style n'ayant rien à voir avec les précédents, sa patte géniale reste néanmoins immédiatement identifiable.

Plus sombre que "Why I hate Saturn" ou "The CowBoy Wally Show", plus encré que les exceptionnels "I die at Midnight", "King David" et "You are Here", forcément plus grave que "Plastic Man" ou "The Bakers", "Special Forces" se rapproche peut-être plus du noir, au propre comme au figuré, "Nat Turner" , inspiré de cet esclave qui fomenta une rébellion en Virginie en 1831.

"Special Forces"
nous plonge d'emblée en plein combat de rue.
Le temps, qui ne veut pas s'écouler dans ce genre de moment, est distendu à l'extrême : l'épisode narré dans le premier numéro doit durer une, deux ... allez, cinq minutes à tout casser ! Les dialogues fusent comme des balles traçantes, le trait est rapide, aiguisé, (plus "Kubertien" ???) : on n'a pas le temps de trainer ...


Et pour ceux qui n'auraient pas encore compris les horreurs de la guerre, édulcorée par les journaux télévisés étasuniens, le réveil va être brutal ! : quand on prend une bastos dans le cigare ou dans le buffet chez Kyle Baker, on en voit tout de suite les conséquences... Pas besoin d'aspirine !
Comme le dit si bien Felony, l'héroïne :"La douleur devient votre amie".


Mais là, on n'est pas pour vanter les mérites de l'armée, comme dans les P.S magazines, illustrés de main de maître par Will Eisner, ni pour rigoler, comme dans M.A.S.H, même si l'humour désespéré pointe son nez de temps à autre : on comprend vite que la petite patrouille va salement morfler ... Il n'y a aucune raison pour que n'importe quel type normal se sorte de cet enfer ... Un type "normal", oui... Mais un type "anormal"?... Autiste ?...
C'est ce qu'on devrait savoir dans le second épisode.
Mais comme je n'ai pas réussi à me le procurer, je me fais bien du souci pour la belle Felony et son compagnon d'infortune, l'autiste Zone ...



Le blog de Kyle Baker.
Le site de Kyle Baker.
Nat Turner sur Wiki.

mercredi 30 juillet 2008

Lou Interviou Blancou (Blancou, parte tou)

Aujourd'hui, c'est mercredi, alors bon mercredi !

J'ai décidé de glander et je me contente de rajouter paresseusement sur le billet du 17 juillet 2008 consacré au "Roi de la Savane" (que vous avez d'ailleurs sans doute tous déjà lu sur les conseils avisés du Pr Totoche) une petite interviou de son auteur, le sympathique, jeune, beau et talentueux, mais néanmoins alsacien, Daniel Blancou.

C'est tout.







C'est tout.

samedi 26 juillet 2008

Le futur dessinateur de la Quête de l'Oiseau du Temps ?


J'ai découvert le jeune dessinateur picard Damien Cuvillier le mois dernier, lors des treizièmes "Rendez-Vous de la Bande Dessinée d'Amiens" organisés par la dynamique association "On a Marché sur la Bulle", où il présentait son travail consistant en quelques posters et cartes seulement, ainsi qu'un ex-libris, mais hélas ... sans album !


J'ai néanmoins pu feuilleter son "book", et je dois dire que son style "post-Loisel" m'a bien amusé, me rappelant les propres essais de Totoche Tannenen, quand il était encore jeune (et beau).




Même si le
lauréat 2006 du Prix Régional de Bande Dessinée de ce même festival a encore tout à prouver, cela ne m'étonnerait pas qu'on entende prochainement parler de lui !
Il a bien évidemment un blog, où l'on peut voir quelques-uns de ses dessins.

Avis aux scénaristes !

vendredi 25 juillet 2008

La Ballade de Matou


À pas de velours, il vole l'amour.
C'est un chat.
Il aime les lumières de la nuit.


Il avance en dansant, souplement, doucement.
Il va où il veut, s'en va comme il peut.


À minuit il te suit.
Ce qui luit est a lui.


Place Pigalle ou autour de l'Étoile, pas de petit passage pour cet enfant pas sage.
Et, de cheminée en cheminée, voyou passionné, étrange animal au sourire vertical, il ne sait pas quand il fait mal.


À minuit il te suit, à midi il te fuit.
À minuit il te suit, à midi il te fuit.



À pas de velours, il est de retour : le chat, ce voleur d'amour.

Well, this is the end ...



Illustrations : Didier Conrad, "La Ballade de Matou" - Philoffset éditions, 1986.
Textes : Téléphone, in "Dure Limite", 1982.



Je ne sais pas si, comme le suggère le titre ("ballade" avec deux "L") , Didier Conrad s'est inspiré ou non de cette chanson de Téléphone pour cette superbe série de six cartes postales imprimée du temps ou il était encore Marseillais. (A mon humble avis, non) , mais peu importe : ce que je sais, c'est qu'aucun dessinateur ne m'a autant marqué que lui.
Je tenais donc à vous faire partager ce joyau pour vous remercier de vos encouragements amicaux et lui rendre hommage. (Non, non, il n'est pas encore mort ! :-) )

mercredi 23 juillet 2008

On ne fait pas de tamago-yaki sans casser d'œufs

Alors comme ça, ça vous amuse les dessins animés débiles, Mr Li-An !

Pendant que certains essaient tant bien que mal, jour après jour, d'apprendre à ce public d'attardés qu'est le lectorat moyen de bande dessinée le bon goût de la figuration narrative séquentielle de qualité ; peaufinent nuit après nuit, avec leurs petites mains endolories, des billets que l'on croirait -je vous le concède- écrits avec les pieds, afin de lui faire découvrir de vrais produits du terroir...
... Pendant ce temps, donc, vous ne trouvez rien de plus malin à faire qu'à perdre votre temps à vanter les mérites de la dernière japoniaiserie prochainement à la mode sur votre blog, pourtant censé élever l'esprit critique des masses populaires ...

Sachez mon immense désappointement devant ce comportement puéril et irresponsable, que dis-je, inacceptable, intolérable, de la part d'un blogueur de renom.

Puisque c'est cela qui vous intéresse, vous trouverez ci-dessous de quoi égayer vos soirées de surf : je vous laisse jouer avec vos Bidibules et autres Œufs coréens :


Chante avec nous !


... En ne vous saluant pas !

Et, euuuuh ... Carton Rouge (parfaitement injustifié) à Li-An ! Paf ! Bien fait !

;-)

mardi 22 juillet 2008

Le petit Suisse qui se déguste par les 2 bouts

Alors les gars, c'est dingue ! En ce moment, je sais pas ce qui se passe, mais je lis que des trucs du tonnerre, sacré nom d'une pipe !


Dommage collatéral du plan B (d) ? Aléas du calendrier ? Horoscope bienveillant ? ... Ouais, bon, j'entends déjà les mauvaises langues dire que je suis simplement en train de lire les bouquins qu'on m'a offerts et que je n'ai pas achetés de mon propre chef ...


Mais peu importe, conchions ces colporteurs de ragots de bas étage et intéressons nous plutôt aujourd'hui à "No Futur is not dead" (sans"E" à futur "parce que c'est en français" !) , un superbe petit (par la taille) coucou suisse, paru en avril 2008, et réglé au quart de tour par Macchia, à qui l'on devait déjà "Eeeh ouais bonhomme", "Roman d'gare" ("Roman"... Z'avez pigé ? ...) , redessiné à chaque nouvelle réédition, ainsi que "The Beauty & New Fashion Hall : Un aller-retour au Quelqueparistan", récompensé par le Prix Rodolphe Töpffer à Genève en 2005.


Paru dans la collection Inaccessible étoile des éditions Hécatombe (tout un programme !) , ce joli petit livre à la couverture et la tranche sérigraphiées comporte en fait deux histoires, que le lecteur pourra découvrir successivement en le retournant : "No futur for you" et "No futur for me". Seul dilemme : par laquelle commencer ???


Le bouquin nous replonge un an en arrière, pratiquement jour pour jour, en ce mois de juillet 2007, lorsque quatre-vingts personnes, dont dix enfants, furent évacuées par les forces de l'ordre du plus ancien squat de Genève, le Rhino, (« Retour des Habitants dans les Immeubles Non Occupés ») , haut lieu de la culture alternative, qui était occupé depuis dix-neuf ans.


Macchia, à l'aide d'un splendide dessin "brut de décoffrage" aux noirs bien profonds et aux blancs pas si blancs, travaillés à grands coups de grosses tâches ("macchie" en italien) de Typex bien crades, au travers desquelles transparait encore le premier jet d'encre, nous y expose, avec son humour caustique et désabusé, non seulement sa propre vision "altermondialiste" de notre société (il n'est d'ailleurs pas toujours d'accord avec lui-même comme en témoigne la superbe scène d'introspection dans la cellule où il est enfermé) , mais également la nôtre, celle des passants, du flic décérébré (qui a dit "c'est un pléonasme" ?) qui l'extrait aux forceps de son squat utérin, de ses parents, ou bien encore de ses camarades d'infortune.


Mention spéciale pour leur vision du monde au p'tit bonhomme du passage clouté ainsi qu'à celui du panneau "Attention travaux !", merveilles de poésie.

Bref, ce livre devrait plaire à tous les pauvres internautes égarés sur Plan B(d) qui osent encore croire que Mai 68 n'est pas définitivement enterré, et douter de l'avenir radieux que nous prépare notre belle société de consommation ...

Allez hop ! Je le sélectionne dans les nominés pour le prix Prix Totoche Tannenen 2008. M'en fous, j'fais c'que j'veux : après tout, ch'uis chez moi !


Spécial dédicace à Raymond. ;-)

Merci à Mi, qui sait pourquoi.

lundi 21 juillet 2008

Aseyn c'est eff ... icace.



Aseyn, dont on peut lire une interview ici, est un illustrateur né à Nîmes en 1980, mais parisien d'adoption.
Diplômé de l'école Estienne, il a par la suite bossé dans l'animation.


Il tient actuellement un bien beau blog, avec lequel il a été récemment couronné à Angoulême, remportant le "Prix de la Révélation Blog 2007".
Même si ce blog ne m'apparait pas aussi frais et distrayant que celui de La Petite Souris, pour lequel j'avais voté à l'époque, je reconnais que les dessins qui y sont présentés sont somptueux.


Aseyn
, qui a déjà publié un mini-album dans l'économique (1 € le livret !) collection MiniBlog, des éditions Danger Public, prépare actuellement une "vraie" bande dessinée (à priori chez Warum) dont je guette désormais impatiemment la sortie.

"Palavas Cowboy" - 2007


"Je dois avouer que parfois, quand je n'arrive pas à m'y mettre,
je dessine toujours une fille à poil, ça fait plaisir
."
Léonard de Vinci (d'après Aseyn)



Miniblogs 2007




dimanche 20 juillet 2008

Une minute de silence pour les cigales


Aujourd'hui, c'est dimanche, et ... Ho gàrri ! Je crois que je vais reprendre un 2e pastaga.
Fatche !
Hè bè vouaye, le Lux B, il est cané, peuchère ! Je le savais pas fatigué, dis ...
Il aurait mal digéré une saloperie de favouille dans sa bouillabaisse ; tu le crois ?
A la Marsiale, il doivent faire un mourre de six pieds de long, je te dis pas ...



Dans le fond, c'était un brave petit, ce pauvre minot qui s'escagassait à chanter dans les balètti pour y faire danser les càcous et leurs cagoles avec son groupe, le Massilia Sound System, sur des airs de ragamuffin et des paroles en occitan ...
Avec des groupes comme ça, ils ont raison d'être fiers d'être Marseillais !
Adieu botte !


Favouille


Toute ressemblance de ce médiocre billet
avec cet excellent et très drôle ouvrage n'est absolument pas fortuite

samedi 19 juillet 2008

Rions un peu. Aujourd'hui : "La Profanation".


A la question "Peut-on rire de tout ?", le grand philosophe Pierre Desproges répondait "Oui, mais pas avec n'importe qui" ...

Éternel anxieux, je reconnais me poser régulièrement cette question.
La dernière fois, c'était en parcourant récemment ce recueil, édité au mois de mai par 12bis et les éditions Rotative, reprenant des dessins de Cabu, Catherine Beaunez, Charb, Honoré, Jul, Luz, Riss, Tignous et Wolinski, parus dans Charlie Hebdo, et intitulé "C'est la faute à la société - Faits divers".
Certes, on ne s'attend pas à des gags d'une extrême finesse en s'avançant sur ce genre de terrain, mais je dois dire que le gag de la page 26 m'a laissé perplexe :


J'apprécie pourtant le trait du talentueux Tignous, le thème abordé -en l'occurence le terrible tsunami du 26 décembre 2004- ne me gène pas, je suis un ardent adepte de l'humour noir, je suis un lecteur occasionnel de Charlie-Hebdo dont j'apprécie la liberté de ton, et je trouve assez "rigolote" l'idée d'aller mettre des fleurs dans les trous de nez de la Camarde ...
Alors, quoi ?

Ce que j'ai regretté, dans ce cartoon, c'est sa légende, ou plutôt l'extrait du journal Libération qui l'accompagne, et où l'on peut lire en toutes lettres le nom et le prénom (que j'ai gommés pour ce billet), l'âge et même l'adresse de cette pauvre femme dont l'unique crime est d'avoir laissé trainer son cadavre en état de putréfaction avancée sur une plage paradisiaque que ne renieraient pas Leonardo DeCaprio, Virginie Ledoyen ou Guillaume Canet.
Le prénom de deux pauvres gamines de 2 et 8 ans (les siens ?) qui, semble-t-il, l'accompagnaient, y apparaissent également ...

Que ces informations paraissent au milieu des éphémères lignes du quotidien Libération ou dans un cartoon de Charlie Hebdo, dont la lecture sera vite oubliée, remplacées par d'autres actualités, ne me choque pas.
Ce qui m'étonne plus, c'est de les retrouver fixées à jamais dans les lignes d'un recueil de gags ...

Que l'on tape sur la gueule de dirigeants, politiques, militaires, religieux, économiques ... morts ou vifs, de criminels, ou bien de simples crétins responsables de tel ou tel fait divers est une chose, que l'on se gausse du cadavre mutilé, exposé en place publique, d'une mère de famille innocente en est une autre.

Cet état nauséeux est peut-être bien un nouveau signe témoignant de ma sénilité précoce galopante, mais je ne peux m'empêcher de me demander si la connerie est vraiment de mon côté sur ce coup-là ?

L'affaire Charlie-Hebdo, opposant actuellement Siné à Val, me passe du coup largement au-dessus du cigare.
Carton.
Même le titre n'est pas original,
Wolinski
va-t-il faire un procès ?

jeudi 17 juillet 2008

Léopold "César" Senghor




Musique de fond à lancer avant de commencer à lire les lignes suivantes :
:-)



"Attention, mesdames et messieurs et les petits z'enfants, ce soir dans votre ville, et ce soir seulement, ne manquez, sous aucun prétexte, la dernière représentation du Cirque Astropof avec : les célèbres Caniches Royaux de Ghezzi, les extraordinaires champions de l'acrobatie Vic et Adio, venus tout droit du Brésil, l'énorrrrrme éléphant volant, l'ineffable Zozo le clown,
et bien sûr, celui que vous attendez tous, le favori des enfants, dans une formule inédite : j'ai nommé le grand, le très grand, l'unique, le féroce....... :

César, le Roi de la Savane !"


Vous vous souvenez tous de cette annonce, braillée au mégaphone, en bas de chez vous, pas plus tard qu'hier ...
Et bien pour voir César, c'est raté.
En effet, le lion est mort ce soir ...


Non, non, les amis ! Je ne dévoile pas la fin !
C'est bien du début de l'histoire dont il s'agit !
Ah la la, ça m'a fichu un choc ma bonne dame ! Pensez donc ! J'achète ce petit bouquin de la collection Shampooing, qui ne paye pas de mine, sur les conseils de mon libraire préféré et paf ! V'là t-y pas que le héros meurt à la première page, dis-donc !
Cela ne m'était pas arrivé depuis l'accident mortel de Chuck Willys, renversé en 1980 par une Jeep dès la deuxième case de "Matricule triple Zéro", le zéroième tome des mythiques Innommables de Yann et Conrad.


Bon, ben, qu'est ce que je fais ... Je continue quand même la lecture (après tout j'ai payé, flûte !) .
Et là ... : merveille !


Je n'ai pas pu lâcher cette histoire avant la fin, découvrant au fur et à mesure de la lecture une histoire plus complexe que ne le laissaient supposer de prime abord ces dessins faussement naïfs au trait minimaliste sans plein ni délié, ces personnages animaliers aux rondes bouilles, ces couleurs "mal imprimées"et défraichies, cette typographie faite "à la main", ces bords de cases tracés à la scie sauteuse, cette affiche de cirque ringarde en guise de couverture au lieu de la rituelle pétasse-blondasse-connasse (c'est pareil) à bonnet D en contre plongée brandissant une épée, une mitrailleuse, ou un sabre-laser ...


Certes, le procédé consistant à buter le héros d'emblée n'est pas très noble puisqu'il plonge immédiatement le lecteur dans l'intrigue et lui interdit toute idée de reposer le bouquin au bout de quelques pages, mais il a le mérite d'être efficace : je ne compte en effet plus les albums que j'ai abandonnés en cours de route, ne me servant plus à présent qu'à allumer le barbecue (non, non, n'insistez pas, je ne citerai pas de nom !).


Les incessants flashbacks et les multiples points de vue des différents protagonistes, certains étant même interviewés, n'alourdissent nullement le récit qui reste d'une exemplaire fluidité, mais l'enrichissent au contraire, lui donnant de la profondeur, lui apportant de multiples niveaux de lecture, conformément au souhait du directeur de collection Lewis Trondheim : cette histoire, tout autant que les Astérix et Obélix, devrait ravir autant les gamins (qu'ils sachent lire ou non) que leurs parents.
La "lettre ", inattendue et troublante de véracité (?), m'a particulièrement ému ...


Les "louseurs", "handicapés de la vie", et autres "immigrés de deuxième génération" paumés dans ce monde ultra compétitif pourraient bien y trouver un rayon de soleil au milieu de cet été maussade.


Cette première bande dessinée du jeune strasbourgeois Daniel Blancou, connu jusque-là pour ses nombreuses "illustrations pour la jeunesse" ainsi que pour sa BD-blog "La Gale* et la Fourmi (*démangeaisons produites par le sarcopte ", proche cousine du "Nico Shark" de Frantico, est donc une des plus jolies histoires que j'ai pu lire récemment : ne passez surtout pas à côté !

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Mise à jour du 30 juillet 2008 :



Plan B(d)
(Mâtin, quel blog !) publie seulement aujourd'hui une interview exclusive réalisée il y a deux semaines par le jeune stagiaire Nick Thammer, envoyé spécial dans la banlieue de Strasbourg.
Ce retard, indépendant de notre volonté, est simplement dû au fait que sa voiture de fonction (bien qu'ayant passé récemment le contrôle technique) est malheureusement mystérieusement partie en flammes la veille de son retour.
N'écoutant que son courage, Nick a néanmoins pu sauver, au péril de sa vie, quelques feuilles de notes du brasier, que nous avons pu reconstituer tant bien que mal.

Si tu peux nous lire depuis ta chambre d'hôpital, Nick, sache que toute l'équipe de Plan B(d) te souhaite un prompt rétablisement, et que ta lettre de licenciement ainsi que la facture pour la voiture et le matériel t'attendent chez la comptable.

Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture :

Nick Thammer : "Bonjour Mr Blancou, euhhh voilà, j'aurais 2-3 questions débiles à vous poser au sujet du "Roi de la Savane", une des plus belles bandes dessinées que la rédaction de Plan B(d) ait lu ces derniers temps (enfin, c'est ce qu'ils m'ont demandé de dire ...)

Daniel Blancou : Merci. Je l'ai écrite pour que ça touche, alors tout va bien.

N.T. : La "lettre d'adieu" nous a particulièrement ému, ce d'autant qu'on ne s'y attend pas et que l'on devine qu'il y a du vécu derrière ... Comment avez-vous eu l'idée de ce récit ?

D.B. : J'avais déjà créé le personnage de César il y a quelques années et avais
fait quelques strips pour Tchô! Magazine. J'aimais beaucoup ce
personnage mais ne voulais pas proposer une série à un éditeur. Je
préférais raconter un moment fort de sa vie. J'ai donc décidé de
commencer lors de son décès. Au moins on n'en parlerait plus.

De plus je ne voulais pas me cantonner à un registre uniquement

humoristique et voulais tenter quelque chose de tragicomique en abordant
des thèmes profonds (tout du moins pour moi).
Je me suis d'ailleurs rendu compte que lors des enterrements, on évoque
plutôt les bons moments passés avec celui qui vient de disparaître. On
cherche plutôt à rire. J'ai donc tout de suite pensé à l'alternance
entre des scènes passées et présentes, entre scènes tristes et drôles.

N.T. : Est-il inspiré d'un fait réel précis ?

D.B. : Cette histoire m'est venue au moment où ma grand-mère venait de décéder.
Le thème du deuil s'est donc imposé à moi assez naturellement. Avant de
partir elle a souvent demandé à ce que l'on ne soit pas triste. Écrire
un livre humoristique sur la perte de quelqu'un était aussi une façon de
tenir ma promesse.

N.T : Pourquoi avez-vous choisi le monde du cirque ? Pourquoi le nom "Astropof" ?

D.B : Je n'y ai pas trop réfléchi. J'aime bien le cirque, c'est un univers qui
me fascine et qui paradoxalement me déplait aussi par certains aspects.
C'est assez riche. Je me rends compte qu'il permet d'aborder des thèmes
forts comme la mort, la famille, l'attachement, etc...

Par ailleurs, j'aime beaucoup travailler mes histoires avec des animaux.
Dans "le Roi de la Savane" pas besoin d'expliquer pourquoi César veut
être féroce. C'est un lion, tout le monde sait ce que c'est.

Lors des 24h de la bande dessinées 2008, la contrainte qui parlait de
famille m'a incité à utiliser le cirque. Je venais d'ailleurs de
terminer l'album la semaine précédente. Faire une nouvelle histoire dans
ce microcosme m'a donné envie de continuer."

Voilà, c'est tout : Express BD et Klare Lijn International n'ont qu'à bien se tenir !
Plan B(d) arrive sur le marché de l'interview ! Tatsoinnn ! Ça va saigner.

Vous pouvez à présent aller découvrir en intégralité l'histoire de Daniel Blancou réalisée pour les 24h de la bande dessinées 2008 en cliquant sur ce lien.

Merci beaucoup de votre patience Mr Blancou !

mercredi 16 juillet 2008

Le retour du baron


J'ai découvert Vincent Perriot grâce à l'excellent blog de Li-An, qui présentait "Entre deux", un livre hallucinant, difficilement "classable", à mi-chemin entre illustration et bande dessinée, et qui avait visiblement également impressionné certains de ses confrères que nous aurons la délicatesse de ne pas nommer ici ...
Un OVNI en quelque sorte.


C'est donc fort logiquement que je me suis précipité sur "Taïga rouge", sa première "vraie" BD parue chez Aire Libre, écrite par Arnaud Malherbe, ex-journaliste, déjà auteur de courts-métrages, mais dont c'est le premier scénario pour ce médium.


Ferdynand Ossendowski est un bon communiste.
Mais bon, dans la Sibérie de 1920, cela ne suffit pas : puisque le commissaire politique en a décidé autrement, le voilà désormais obligé de fuir Krasnoïarsk en abandonnant sa douce Natacha, et d'errer en plein hiver à travers steppe et taïga au milieu de hordes de loups affamés (que Franquin lui-même n'aurait pas reniés) , d'armées fantômes en déroute (à moins que ce ne soit l'inverse ...) , traversant marais enflammés par de mystérieux feux-follets, allant à la rencontre des peuples Mongols, Kalmuks, Bouriates, Soyotes et autres Cosaques, en espérant rejoindre un jour les Indes salvatrices ou les riants rivages du Pacifique.
Tout un programme ...
Et le plus fort, c'est que grâce au talent de ces deux novices, le récit reste d'une incroyable limpidité, se dévorant aussi vite qu'un roman de gare, et qu'on en redemande : ça tombe bien, une suite est prévue ... Trop fort !

Bon, après, je dévoile quelques détails, alors si j'étais vous, j'arrêterais là et j'irais acheter directos le bouquin ...

Toujours là ? tant pis pour vous, vous étiez prévenus ... :

Mais ce que Ferdynand n'avait pas prévu, c'est qu'en atteignant enfin la capitale mongole Urga (l'actuelle Ulan-Bator), alors occupée par les troupes chinoises, sa route allait croiser celle du (prenez votre souffle) général-baron Roman Federovitch von Ungern-Steinberg (ouf !), (Ungern pour les intimes), et que là, les emmerdements allaient sérieusement commencer.
...
Ungern ? Ce nom ne vous dit rien ?
Mais siiii ! Rappelez- vous donc "Corto Maltese en Sibérie" de Hugo Pratt et "L'ombre des damnés" de Didier Crisse ...
L'Autrichien psychopathe, sanguinaire, anticommuniste et antisémite (ça ne vous rappelle personne d'autre ?) ! Le baron sanglant attaquant le Transibérien avec ses trains blindés, qui se prenait pour la réincarnation d'un Mahâkâlâ et rêvait de fonder un empire du lac Baïkal au Tibet et de la Mandchourie au Turkménistan, pour "régénérer la race jaune" (coucou Jacobs !) et fondre sur l'Occident avec l'aide des Japonais : c'est lui !


Après l'exceptionnel "Entre deux", cette excellente (seulement ?) "Taïga rouge" , récit d'aventure anthropologique, inspirée de l'ouvrage "Bêtes, hommes et Dieux-A travers la Mongolie interdite 1920-1921" du réel géophysicien Ferdynand Ossendowski, est donc à découvrir de toute urgence !
Après "Corto Maltese en Sibérie", "Ibicus" de Pascal Rabaté d'après le roman d'Alexis Tolstoï, ou bien encore "Une jeunesse sibérienne" de Nicolaï Maslov, les steppes russes sont une fois de plus le théâtre d'une histoire très forte ...


Les planches originales, au format étonnamment modeste, sont actuellement exposées à la librairie Super Héros, rue St-Martin à Paris.

Deux petites critiques négatives, tout de même, concernant la forme et non le fond, et uniquement pour vous faire plaisir :
- les couleurs qui n'apportent rien à mon avis au superbe dessin de Perriot, et même le ternissent ... Et puis, pour moi, la neige, c'est blanc, avec des nuances certes, mais blanc et puis c'est tout.
- le manque de grandes cases pleine page au grand-angle, aérant le récit, à la manière de Hergé dans les premières éditions de Tintin, d'autant que ces grands espaces auraient à mon avis pu particulièrement bien s'y prêter : pour cette raison, on préfèrera, pour 3 euros de plus, l'édition "de luxe", enrichie, sous une jaquette sans intérêt (pourquoi, quitte à en faire une, ne pas avoir dessiné une autre couverture ?) , de quelques unes de ces illustrations en noir et blanc que Perriot sait si bien réaliser !

за ваше здоровье!