mercredi 16 juillet 2008

Le retour du baron


J'ai découvert Vincent Perriot grâce à l'excellent blog de Li-An, qui présentait "Entre deux", un livre hallucinant, difficilement "classable", à mi-chemin entre illustration et bande dessinée, et qui avait visiblement également impressionné certains de ses confrères que nous aurons la délicatesse de ne pas nommer ici ...
Un OVNI en quelque sorte.


C'est donc fort logiquement que je me suis précipité sur "Taïga rouge", sa première "vraie" BD parue chez Aire Libre, écrite par Arnaud Malherbe, ex-journaliste, déjà auteur de courts-métrages, mais dont c'est le premier scénario pour ce médium.


Ferdynand Ossendowski est un bon communiste.
Mais bon, dans la Sibérie de 1920, cela ne suffit pas : puisque le commissaire politique en a décidé autrement, le voilà désormais obligé de fuir Krasnoïarsk en abandonnant sa douce Natacha, et d'errer en plein hiver à travers steppe et taïga au milieu de hordes de loups affamés (que Franquin lui-même n'aurait pas reniés) , d'armées fantômes en déroute (à moins que ce ne soit l'inverse ...) , traversant marais enflammés par de mystérieux feux-follets, allant à la rencontre des peuples Mongols, Kalmuks, Bouriates, Soyotes et autres Cosaques, en espérant rejoindre un jour les Indes salvatrices ou les riants rivages du Pacifique.
Tout un programme ...
Et le plus fort, c'est que grâce au talent de ces deux novices, le récit reste d'une incroyable limpidité, se dévorant aussi vite qu'un roman de gare, et qu'on en redemande : ça tombe bien, une suite est prévue ... Trop fort !

Bon, après, je dévoile quelques détails, alors si j'étais vous, j'arrêterais là et j'irais acheter directos le bouquin ...

Toujours là ? tant pis pour vous, vous étiez prévenus ... :

Mais ce que Ferdynand n'avait pas prévu, c'est qu'en atteignant enfin la capitale mongole Urga (l'actuelle Ulan-Bator), alors occupée par les troupes chinoises, sa route allait croiser celle du (prenez votre souffle) général-baron Roman Federovitch von Ungern-Steinberg (ouf !), (Ungern pour les intimes), et que là, les emmerdements allaient sérieusement commencer.
...
Ungern ? Ce nom ne vous dit rien ?
Mais siiii ! Rappelez- vous donc "Corto Maltese en Sibérie" de Hugo Pratt et "L'ombre des damnés" de Didier Crisse ...
L'Autrichien psychopathe, sanguinaire, anticommuniste et antisémite (ça ne vous rappelle personne d'autre ?) ! Le baron sanglant attaquant le Transibérien avec ses trains blindés, qui se prenait pour la réincarnation d'un Mahâkâlâ et rêvait de fonder un empire du lac Baïkal au Tibet et de la Mandchourie au Turkménistan, pour "régénérer la race jaune" (coucou Jacobs !) et fondre sur l'Occident avec l'aide des Japonais : c'est lui !


Après l'exceptionnel "Entre deux", cette excellente (seulement ?) "Taïga rouge" , récit d'aventure anthropologique, inspirée de l'ouvrage "Bêtes, hommes et Dieux-A travers la Mongolie interdite 1920-1921" du réel géophysicien Ferdynand Ossendowski, est donc à découvrir de toute urgence !
Après "Corto Maltese en Sibérie", "Ibicus" de Pascal Rabaté d'après le roman d'Alexis Tolstoï, ou bien encore "Une jeunesse sibérienne" de Nicolaï Maslov, les steppes russes sont une fois de plus le théâtre d'une histoire très forte ...


Les planches originales, au format étonnamment modeste, sont actuellement exposées à la librairie Super Héros, rue St-Martin à Paris.

Deux petites critiques négatives, tout de même, concernant la forme et non le fond, et uniquement pour vous faire plaisir :
- les couleurs qui n'apportent rien à mon avis au superbe dessin de Perriot, et même le ternissent ... Et puis, pour moi, la neige, c'est blanc, avec des nuances certes, mais blanc et puis c'est tout.
- le manque de grandes cases pleine page au grand-angle, aérant le récit, à la manière de Hergé dans les premières éditions de Tintin, d'autant que ces grands espaces auraient à mon avis pu particulièrement bien s'y prêter : pour cette raison, on préfèrera, pour 3 euros de plus, l'édition "de luxe", enrichie, sous une jaquette sans intérêt (pourquoi, quitte à en faire une, ne pas avoir dessiné une autre couverture ?) , de quelques unes de ces illustrations en noir et blanc que Perriot sait si bien réaliser !

за ваше здоровье!

10 commentaires:

Li-An a dit…

Question: pourquoi ne l'ai-je pas chroniqué ?

Totoche Tannenen a dit…

Ah ben j'ai attendu, pourtant ! ...
:-)
Mais ces vertes plates-bandes étaient décidément vraiment trop tentantes !
Vas-y quand même : ce sera mieux fait, et avec de l'audience, en plus !
...
Mais ...
Un doute m'assaille, subitement ... : tu n'as pas aimé ?

Li-An a dit…

Ah ah, tu chauffes. Beaucoup de choses qui ne m'ont pas tout à fait convaincu. Du coup, je me suis abstenu.

Li-An a dit…

pour suivre...

Totoche Tannenen a dit…

Tu peux développer ?
Pour ma part, il est clair que si je devais conseiller un bouquin à quelqu'un qui ne connait pas le travail de Vincent Perriot, ce serait "Entre deux" sans hésiter.
Encore merci de m'avoir fait connaitre cet artiste.

Li-An a dit…

C'est compliqué parce que c'est un premier album. Et par principe, je ne dis jamais du mal d'un premier album. C'est tellement compliqué à gérer pour un auteur qu'il est difficile de faire quelque chose de "parfait".

Totoche Tannenen a dit…

Comme Totoche avec le premier numéro d'une revue !
;-)

Totoche Tannenen a dit…

Hakim le trublion me rappelle avec malice que l'édition "de luxe-avec jaquette-spéciale 20 ans" est limitée à ... 30000 ... euh ... non pardon, 3000 exemplaires seulement ! :-)
Ouf ! J'ai eu du bol d'en avoir un !

Anonyme a dit…

J'ai découvert cet album à la bibliothèque de Lausanne, et je me suis souvenu de ton billet ;-)

Je me suis décidé à l'emprunter et j'ai beaucoup apprécié cette histoire, ou plutôt ce début. Pour une première oeuvre, c'est une réussite magistrale.

Tu vois, tu ne prêches pas dans le désert !

Totoche Tannenen a dit…

Satanés mirages !