samedi 2 octobre 2010

Nuit "Blanche"


À l'occasion de la sortie de Toumaï, les Savanes Féroces, second tome de la série Blanche qu'il réalise chez Delcourt, Thierry Chavant a accepté de répondre à nos questions, en deux temps : cette saleté de dictaphone ayant rendu l'âme sans crier gare. Bonjour le professionnalisme !

Allez, c'est parti :

- Bonjour Thierry Chaland (Arf ! Arf !).
- Ha ! Ha! Bonjour Torchetoche.

- Google ne sait pas grand chose sur toi, peux-tu te présenter aux lecteurs du Plan B(d) ? Mais vite, hein, déjà que j'ai pas beaucoup de lecteurs...
- Je suis un jeune auteur de quarante-trois ans, j'ai un diplôme de dessinateur maquettiste, un an de beaux-arts, cinq ans d'ENSAD (arts déco) diplômé en design industriel, dix-sept ans de direction artistique en agence de pub avant d'avoir été licencié en cinq minutes il y a un an. 

- Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton métier de directeur artistique ? T'amène t-il a dessiner, à collaborer avec des dessinateurs de BD ?
- Un directeur artistique n'a pas besoin de savoir dessiner, mais j'avoue avoir passé mon temps à dessiner*, c'est quand même plus simple pour exprimer une idée. Par contre, on fait travailler des intervenants comme les roughmen qui ont parfois une activité d'auteur ou de dessinateur de BD en parallèle. J'ai ainsi eu la chance de croiser Bernard Puchulu, Philippe Gauckler, Marc Védrine et Jean-Paul Krassinsky qui débutaient dans le rough et dont le talent était déjà incroyable... Et surtout Herval que j'ai souvent croisé, puisque nous travaillions tous deux dans la même agence, lui en tant que roughman intégré.
 
(* on peut avoir un aperçu du travail de reufmane de Thierry Chavant ici)

- Peux-tu nous donner des exemples de réclames qu'on aurait pu voir ou dont tu es particulièrement fier ?
- Ça risque de prendre de la place. Je dessinais les visuels de mes affiches et presses avant photo et crayonnais tous mes story-boards. J'ai créé les personnages d'un petit spot pour Flunch et aussi fait des séries de gags pour des pubs Kaufman, et bien d'autres encore.
 

- Pourquoi est tu passé à la BD ? Tu avais besoin d'arrondir tes fins de mois ? Tu ne gagnais pas assez de pognon dans la pub ?

- Comme beaucoup d'auteurs, j'ai toujours rêvé de faire de la BD, et d'ailleurs j'en ai toujours fait pour mes proches, à défaut d'être publié. Et même une fois édité, ça n'a jamais représenté une source suffisante pour en vivre. C'est assez rare, les auteurs de BD qui arrivent à en vivre. D'ailleurs, sur les quelques festivals que j'ai faits, c'est assez émouvant de rencontrer des auteurs qui me semblaient pourtant reconnus, expliquant leur difficulté à en vivre. C'est un métier de passionnés pour des passionnés.


- La question que tous les lecteurs du Plan B(d) se posent : dessines-tu à la plume ou au pinceau ?
- Ha ! Ha ! Ha ! Mais tout le monde s'en tape, non ?
- Pour Blanche je travaille exclusivement au critérium, crayon à papier et mine de plomb : ça me donne un sentiment de sécurité, j'ai l'impression que je peux gommer si je me trompe alors que je grave comme une brute pour obtenir des pleins et déliés et qu'il est donc impossible de rattraper une bourde. J'ai réalisé Méliane au feutre, mais je pétais un câble : ça n'arrêtait pas de baver ! Je me remettrais bien au pinceau et à la plume : j'ai ressorti le matériel il y a peu et ce sont des sensations de glisse inouïe... Tiens, on dirait une interview pour Surf magazine, là !

- Continuons dans les questions ringardes : que lisait le petit Thierry?

- Ben, comme toi : les Pif Gadget, Spirou, Rahan, les Strange et Spécial Strange... Tu te souviens aussi des espèces de comics bien noir d'horreur en petit format là, dans les librairies. Avec mon frère, on se faisait vider parce que les gérants croyaient que c'était des bouquins de cul ! Y'avait The Swamp Thing, tout ça...
- Plus tard, il y eut (À Suivre), L'Écho des Savanes, et puis des tas d'albums... Ça prendrait deux heures de tout énumérer... Paradoxalement, je n'avais pas d'argent pour en acheter, mais j'ai toujours pu avoir un aperçu. Honnêtement, c'est ce que je retrouve sur ton blogue : tu as la mémoire et la culture de ça, et souvent un de tes posts me fait "tilt", je ne m'en serais pas rappelé sinon.

- Maintenant que tu as grandi, quelles sont tes lectures favorites ?
- Pas grand chose, ou plutôt j'ai l'impression, comme le commun des lecteurs, d'être dépassé par la production. Ce qui est mis en avant est bien souvent le plus commercial et pas forcément le plus intéressant. Malgré tout, il y a une richesse indéniable. Mais une BD est chère et on doit passer par la frustration de se passer de certaines.
Je suis assez éclectique, je vais citer pèle-mêle ce qui me vient à l'esprit : Davodeau, Guarnido, Guibert, Rébéna, Prudhomme, Blutch, Larcenet, Winshluss, Dumontheuil, De Crécy, Arthur de Pins, Riad Sattouf, Blain, Baru, Bastien Vivès... Pour certains, très honnêtement, je n'ai lu que l'album le plus connu... Certains autres, c'est plutôt le dessin ou inversement les scénarii.
Chez les Américains, j'aime bien certains Crumb, les histoires d'Alan Moore, Maus, Jimmy Corrigan, le Black Hole de Burns ou des séries-polars comme 100 Bullets. 

- Si j'étais toi, je citerais Sfar : ça fait toujours bien dans une interview.
- Je ne déteste pas ce qu'il fait, bien au contraire. Mais c'est le côté "bobo-Télérama" qui est exténuant, aussi épuisant que les "soleilleries" avec les gonzesses à poils et leurs épées 110 E, d'ailleurs.Sfar (et d'autres), c'est un peu les "soleilleries" des bobos : ils ont un talent certains mais sont tellement sur-exposés que ça éclipse des génies comme moi !!! Oui, bon en fait je suis surtout très jaloux de son succès...

- Et les mangas ?
- J'ai malheureusement l'âge d'avoir raté le coche et même d'avoir regardé ça de haut, jusqu'à la claque Akira. Le Dōmu d'Otomo est un des piliers de la BD, à l'instar d'Arzach ou de Partie de Chasse et j'ai rarement ressentis une émotion comme celle que l'on peut trouver dans certains Taniguchi.
Mon frère m'a offert quelques Monster et 20th Century boys, mais je n'ai jamais trouvé le temps de les finir, tout en reconnaissant l'incroyable talent de ces auteurs. Je suis très inculte en manga.

- Pour en revenir à ton enfance, quels étaient les auteurs que tu admirais plus particulièrement ? J'ai cru remarquer quelques références à Franquin dans le premier tome de Blanche : une mouette rieuse par ci, un chat-dingue par là...
- Eh bien, comme tu le relèves, il y a effectivement un hommage à la mouette rieuse de Franquin dans Blanche, il fait partie de ces auteurs qui m'ont énormément influencé, et pas seulement pour le dessin. Comme Yann et Conrad ou Bodart, ce sont à mes yeux des auteurs engagés : leurs œuvres contiennent une critique du capitalisme, de la religion... Pour certains ce sont même de très rares œuvres orientées à gauche. Franquin était un révolté, tout comme son Gaston...
Sinon j'appréciais Mézières, Hermann, Giménez (les deux !) Prado, Hislaire..., l'éternel et magique Wasterlain, Will également... Je vais te citer tous les auteurs Spirou !
Chez les Américains, je me souviens de Miller, Corben, Sienkiewicz, Mignola...
L'immense Toppi aussi...
Mais il y en a beaucoup d'autres dont je ne me souviens plus les noms et que, j'espère je retrouverai sur ton blogue ! 

- Et Bourgeon ? Même si l'histoire de Blanche est totalement différente, on ne peut "évidemment" s'empêcher d'avoir une petite pensée pour les Passagers du Vent : le féminisme, la traite négrière...
- Oui, tu as tout à fait raison, mais à ma grande honte, je n'ai jamais lu Les Passagers du Vent. Je m'étais juré de les lire, et puis en commençant la série, j'ai sans doute eu peur que cela m'influence, voire pire : que je découvre que je faisais la même chose !!!
Par contre, j'ai un livre autobiographique qui date des années 80 sur lui et j'adore les coups de gueule du bonhomme. Il avait déjà prévu cette espèce de débâcle hystérique et consumériste qu'est devenue la BD actuelle.


- J'ai cru trouver une certaine ressemblance entre ton trait et celui de Jean-Paul Krassinsky qui travaille aussi dans la pub : avez vous appris à dessiner ensemble ?
- C'est flatteur et ça me surprend que tu dises ça, car comme je te l'ai dit, j'ai travaillé avec lui en pub. J'admire ce qu'il fait, tant au niveau du dessin que du scénario, mais il est plus doué que moi.
Et non : on n'a pas appris à dessiner ensemble ! 

- De quoi ça cause, Blanche ?

- De l'exploitation de l'homme par l'homme en général. Et plus particulièrement de ces prétextes que sont la misogynie et le racisme.


- Tu avais, me semble-t-il, déjà abordé ces thèmes dans ton premier album, Méliane/Mélanie, paru en 2005. Je crois d'ailleurs savoir que c'est cet album qui a fini de couler le département BD d'Albin Michel, non ?
- Ha ! Ha! Ha ! Non, je ne crois pas que ça ait coulé Albin, mais je pense qu'ils m'ont publié parce qu'ils étaient un peu paumé avant la fin. Ce que je fais ne cadrait pas du tout avec leur style. Méliane parlait de la misogynie que l'on peut trouver dans certaines banlieues et qui n'est finalement qu'un racisme de plus. C'était un hommage à une jeune fille, Sohane, qui a été brûlée dans une cité..., un fait divers atroce.

- Blanche relate une histoire d'amour entre une jeune bourgeoise abandonnée par son mari et son domestique, noir de peau et donc exclu de la société. Y a t-il une raison particulière qui te lie à ces thèmes d'exclusion, de misogynie ?
- Je suis moi même en couple mixte. Ma compagne est d'origine algérienne et nous nous sommes heurtés bien souvent au racisme sous toutes ses formes.
Ayant par ailleurs été élevé par une mère divorcée, seule en H.L.M., je pense que ça a orienté aussi mes thèmes.

Après moult hésitations, c'est finalement le projet initial proposé par Thierry Chavant 
qui sera retenu pour la couverture du premier tome !

- Pourquoi as-tu choisi de situer cette trame au XVIIIe siècle ? Tu rêvais de dessiner des beaux costumes ?
- Ah non, ça me fait super chier de dessiner des trucs d'époque ! Faut se taper tout un boulot de reconstitution, mais malheureusement le scénariste en moi l'exige !
- C'est surtout une manière de polariser le problème. C'est une époque ou l'intolérance était clairement affichée bien qu'on nous bassine dans les livres d'Histoire avec l'humanisme du XVIIIe, ça préfigurait l'hypocrisie actuelle.


- Y a-t-il une base véridique à cette histoire comme le suggère malicieusement Le Blogue de Blanche et Toumaï ? Clara Morgane va t-elle vraiment jouer le rôle de Blanche dans l'adaptation TV de TF1 ?
- Non, le blogue de Blanche est un gros fake, je pensais que l'album allait se vendre à des millions d'exemplaires et que des hordes de fans allaient s'amuser à faire des commentaires et broder leurs propres histoires. J'ai eu quatre visites, je crois... Avec la tienne ! 

- Flûte alors, moi qui rêvais d'interviewer cette jeune chanteuse... Bon, tant pis. Question suivante : pourquoi t'emmerdes-tu à écrire un scénario alors que tu pourrais très bien pondre une adaptation littéraire, comme tout le monde ?
- Oui, en plus c'est très commercial, je me vois bien contacter BHL !
Je suis un intégriste, j'ai envie de faire ce qu'il me plaît et puis je n'ai jamais compris cette manie "d'adaptation". On duplique tout dans tous les formats, et surtout bien sûr, "ce qui marche"... Bon, ceci dit, je serais super content si Cameron rachetait les droits de Blanche... Du coup, je refuserais les interviews pourries de blogueurs débiles, j'aurais une Bentley et des parts dans Soleil et Delcourt. Je me pavanerais avec des nymphettes de dix-huit ans en tutoyant Sfar à Angoulême... Le pied !

- Pourquoi cette série est-elle parue chez Delcourt ? L'Histoire avec un H majuscule, c'est plutôt la spécialité de Glénat/Vécu, non ? Delcourt t'a-t-il demandé de dessiner des elfes, des filles avec des gros seins qui se battent en duel, toute nues avec des épées ? As-tu vraiment dû coucher avec ton éditrice afin d'être publié ?
- En fait, c'est une éditrice virée de chez Albin Michel qui m'a proposé de travailler avec elle chez Delcourt. Y'a pas d'elfe, mais par contre Blanche est quasi à poil avec ses robes-bustiers pas possibles ! 
Mais c'est vrai que chez eux aussi, mon style dénotait ; on m'a fait comprendre que j'étais un peu trop "social" dans mes histoires.
Je n'ai couché avec personne et j'ai été viré. Jeune auteur qui lit ces lignes : prends-en de la graine (sans jeu de mot).

- Toumaï, c'est le nom d'un de nos lointains ancêtres, il me semble ?
- Ça signifie "espoir de vie" en langue gorane, je crois. On donnait ce nom aux nouveaux-nés, et c'est en effet le nom d'une lignée d'hominidés.


- Quand ils vont voir la couverture du second tome, les lecteurs du Plan B(d) vont forcément s'interroger sur la taille du sexe de Toumaï. Je préfère prendre les devant.
- Effectivement, Toumaï retourne à ses origines. C'est un peu L'Origine du Monde de Courbet, en moins cru... Enfin j'espère. Il est assis un peu en position fœtale.

- Blanche est atteinte d'achromatopsie, (pour les ignares : elle ne distingue pas les couleurs). Que lui est-il arrivé ?

- Sont chiantes tes questions : j'en sais rien moi... Elle a trop sniffé ? Ou plus jeune, elle s'amusait à se flasher l'œil avec un projecteur anti-aérien ! 

- Si elle voyait les couleurs, serait-elle tout de même éprise de Toumaï ?
- Grande et judicieuse question..., à laquelle moi-même je ne sais que répondre. 

- Bon, cela ne l'empêche pas de dessiner dans ses petits carnets...
- Elle dessine à l'encre noire..., à la plume ! Sont vraiment chiantes, tes questions ! 

Pour le blanc comme pour les couleurs, Thierry Chavant recommande Delf

- Les couleurs de Delf sont particulièrement réussies : est-ce toi qui as choisi de travailler avec elle ?
- Oui, je rêvais de l'avoir sur Méliane, déjà. En plus c'est une nana marrante, une Bretonne avec un sacré caractère. Sur le tome 2 on a passé une nuit de charrette à bouffer des pizzas et des cocas, on chantait des génériques de dessins animés !



- On peut par ailleurs admirer tes propres mises en couleurs informatiques sur ton blogue. Je trouve que tu te démerdes pas mal : pourquoi ne les fais-tu pas toi même pour les albums?
- Par manque de temps, tout simplement. Si on avait plus de délais, oui : je rêverais de réaliser entièrement un album avec mes propres couleurs, ou alors un travail mixte. Pas mal de dessinateurs se font aider : un coloriste fait les aplats et les détourages, et eux complètent les effets spéciaux. Pierre Schelle, un coloriste, travaillait en binôme passé un temps comme ça, pour Série B. 

- Blanche et Toumaï vont-il avoir un enfant ?
- Dans le 3 oui, ils avaient une fille. 


- Delcourt annonce dans son catalogue* qu'après avoir rencontré les mêmes problèmes d'intolérance en Afrique, Blanche et Toumaï partiront en Amérique dans le tome 3, intitulé Liberté et annoncé pour 2011. Tu avais prévu de les envoyer au nord, comme Aryane de Troïl ou bien au sud, comme L'Épervier ?
- Dans la Louisiane du XVIIIe, autrement dit un vaste bayou sauvage, un marais aux eaux saumâtres où tout est en devenir..., ou en pourriture... Des ambiances vertes comme les dollars, seule idéologie à venir ! 

(*cf Delcourt Planète n°54, août/septembre 2010)

- Je viens en fait d'apprendre, en lisant un précédent billet, que la série venait en fait d'être arrêtée. Comment as-tu appris cette mauvaise nouvelle ?
- Un soir, mon éditrice me propose de boire un verre pour qu'on voit les planches du 3... Elle arrive déconfite : Guy Delcourt, après avoir fait les bilans l'après-midi-même, avait décidé d'arrêter la série... Pas assez de ventes.

- Le premier tome, L'Île de la Solitude, est sorti en mai 2009, en pleine crise. Je vais te sembler naïf, mais je me dis que l'éditeur aurait pu être plus indulgent, non ? Le capitalisme à visage humain, ça doit bien pouvoir exister, nom d'une pipe !
- Je ne sais pas. De toutes manières, on n'a pas d'explication, ils ne prennent même pas en compte ce qu'on peut leur dire. Par exemple, j'avais suggéré qu'on ne mette pas "à suivre" à la fin du premier tome, conscient du fait, après la mésaventure d'Herval* qu'ils pouvaient arrêter la série comme ça. Je trouvais plus respectueux pour le lecteur de ne pas lui faire attendre un deuxième album. En plus, je m'étais démerdé pour faire une fin "ouverte", mais pas trop : le premier album est un one-shot, tout comme le second d'ailleurs. 

 (* Sa série Tiffany, écrite par Yann et publiée chez Delcourt, a également été stoppée après deux tomes)

- Comment l'éditeur peut-ils rendre un tel jugement avant même que le second tome soit mis en vente ?
- C'est comme beaucoup d'entreprises que j'ai pu croiser durant ma carrière dans la pub : en fait, il n'y a pas vraiment de vision d'avenir, de planning ni rien. Ils avancent à vue.
Mais c'est un travers de l'économie actuelle. Chaque éditeur/directeur de collection gère cinquante albums par an et comme il y en a une dizaine par maison, il est impossible dans ces conditions de connaître et de suivre tout son catalogue : dès lors, tout est géré dans l'urgence.

- Mais se rendent-ils compte qu'ils sont en train d'écraser leurs propres albums avec le reste de leur production ?
- Ils cherchent juste à occuper le terrain. Desinge, chez Albin Michel, me disait qu'il lui fallait un seul album qui cartonne par an pour faire vivre sa maison d'édition. Juste avant la fin, ils avaient eu L'Enquête Corse de Pétillon et puis rideau !
Souvent, les éditeurs ne s'intéressent pas vraiment à ce qu'il font, ou alors ça va être un engouement dans le plus pur style "yes, man" : vous êtes le petit nouveau sur qui on compte, c'est super génial, on y croit, t'es le meilleur... Et puis les résultats des ventes tombent et on vous jette sans un regard.

- Pourrais-tu récupérer les droits de Blanche et proposer la série chez un autre éditeur ?
- Il paraît, oui. Mais je ne compte pas trop là-dessus.

- Avais-tu déjà commencé à travailler sur le troisième tome ?
- Le scénario et les dialogues sont faits, tout est scripté. J'avais crayonné cinq planches et compilé la doc. Trois bonnes semaines de boulot, quand même.
  
- Quels sont tes prochains projets ?
- Un polar fantastique avec des mafiosi et des sirènes : il y a des illustrations sur le blogue. J'aimerais bien développer des histoires à la fois fantastiques, spectaculaires et très psychologiques, sociales et humaines. En fait, comme j'ai toujours rêvé de faire de la BD, j'ai des histoires et des projets plein mes cartons. Le plus dur, c'est de les faire éditer !

anti-mythe

- Les cartoons dessinés sur le vif dans les festivals que tu montres sur le blogue me font bien marrer, on voit que tu ne te prends pas trop la tête. Comme dirait Bacri, pourquoi ne fais-tu pas un truc comique ? Chez Bamboo, par exemple (Les Publicitaires ? Les Roughmen ?...). Ça se vendrait mieux, non ? Et la caricature, tu y penses ?
- Oui, ce sont des choses que j'envisage, on m'a souvent dit que je devrais faire de l'humour. Par contre la caricature est une spécialité où je ne suis pas très fort, comparé à des Maëster ou Jason Seiler.
Le dessin de presse me tenterait bien, j'ai des réactions par rapport à l'actualité qui se traduirait facilement graphiquement. Mais c'est pareil : faut-il encore intéresser un journal !

- Que penses-tu des festivals ? Ça te gonfle, les séances de dédicace ?
- J'en ai fait très peu et du coup, je suis assez frais. De plus, n'étant pas un auteur à succès, j'ai rarement plus de dix dédicaces dans une après-midi. Du coup, je peux discuter avec le lecteur. Même les collectionneurs sont les bienvenus puisque souvent je n'ai personne (Ha ! Ha ! Ha ! ). En tous cas, j'ai un profond respect pour la personne qui fait la démarche de venir me voir. Je suppose que si je me tapais vingt festivals dans l'année, avec des files d'attente de quatre heures, je ne dirais pas ça. 

- Que fais-tu quand tu ne dessines pas ? Pratiques-tu la musique ? La peinture ? Cuisines-tu ? Je crois savoir que tu es un motard ? Que tu chasses les OVNI ?
- Sport, footing, vélo..., j'ai fais pas mal d'art martiaux, mais maintenant j'ai peur de me casser un truc ou simplement de me faire péter la gueule par un plus jeune et plus costaud. Du coup, je ne fais plus que de la muscu dans un dōjō à Vincennes.
Je suis motard, mais comme je ne circule que sur Paris, ça va se finir en vélo.
Je suis nul en cuisine. Heureusement, ma compagne est un cordon bleu.
La palette graphique a remplacé la palette de peintre. J'ai de vieilles gouaches qui finissent de se fossiliser sur mes étagères et les OVNI m'ont toujours intéressé en tant que phénomène, j'ai un projet à ce propos dans mes cartons.
J'adore la musique mais lorsque je chante sous la douche, je dessoude les tuyauteries.


 Le fameux dōjō du Château de Vincennes

- Un petit mot rapide sur les auteurs que tu as mis en lien sur ton blogue ?
- Herval est un dessinateur extrêmement talentueux, en plus d'être modeste et discret. Il m'a appelé à la suite de l'arrêt de Blanche et a eu des mots très réconfortants, on partage cette passion quasi-enfantine pour la BD. On avait une expression en agence car on travaillait tous deux la nuit sur nos BD : on s'appelait "Les Super-Héros de la BD" ou "Les Dessinateurs Masqués", c'était marrant...

 J'ai rencontré Georges Abolin sur un salon et, bien que débordé par les dédicaces (pendant que moi je dormais), on a discuté de tout et de rien. C'est quelqu'un à la fois lumineux et facile, très positif. Et il a un trait dans le meilleur style belge, une aisance inouïe qui m'impressionne toujours.

 Gunt, je ne l'ai jamais rencontré. On se parle via nos blogs, mais il a l'air très sympa et son style, bien qu'apparemment fun, limite "ado" sert à merveille des histoires très matures.

 Johanna* est une ancienne stagiaire que j'avais croisée en agence et qui a un petit blogue où elle place des BD de son quotidien. En fait, je mets en ligne des blogues de connaissances qui méritent d'être... connues. J'ai l'impression que ça ne servirait pas à grand chose que je mette le blogue de Boulet par exemple.

 Stéphane Créty, je l'ai croisé aussi sur un festival. Il a un sacré caractère. J'aime bien son style même si ses histoires ne sont pas trop ma tasse de thé. Je me souviens de lui piquant des bouteilles de Beaujolais lors d'un dîner, on s'était bien marrés ! Il a des crayonnés sublimes sur son blogue, c'est un vrai virtuose !


- Il y a aussi le blog de mon frangin Christian, très doué, qui a quelques petits albums parus chez Carabas et qui a plusieurs projets dans le four.
 J'espère qu'ils trouveront des éditeurs. 


(*rien à voir à priori avec la dessinatrice/coloriste de chez Delcourt)

- Tes derniers coups de cœur ?
- Bastien Vivès : indéniablement un des grands talents de la BD future. S'il se met à l'humour*, il va casser la baraque. Son blogue est une merveille.

Philippe Scoffoni également : un dessin époustouflant. Je l'ai rencontré il y a peu et comme Herval, c'est quelqu'un dont le talent égale la modestie. À mon avis, c'est un futur grand dessinateur.

Un grand oublié, enfin : Michel Durand. Sa série Cuervos, passée un peu inaperçue, a été une vraie baffe.


(*On conseillera à Thierry Chavant et aux lecteurs du Plan B(d) de se procurer fissa les deux tomes de Poungi la Racaille signés par un mystérieux Bastien... Chanmax. Crise de rire garantie.) 

- Bon, eh bien voilà. Qu'est ce que j'ai oublié d'autre ? Ah si : ton blogue BD préféré ?
- Bah : le tiens ! Tu m'as dis que si je ne disais pas ça, tu ne publierais pas cette interview et que tu dirais partout que mes albums sont de la merde !

- Ha ! Ha ! (ça se paiera). Tu reprends un verre ?
- Oui, je ne suis venu que pour ça ! On porte un toast à l'avenir et à la BD, hein ! Santé, Totoche !
- Santé.
Ah zut, j'ai oublié de lui demander qu'il me la dessine à poil.

(Entretien réalisé le 22 septembre 2010 et fini de torcher par mail les jours suivants. 
Tous les dessins de Blanche sont © Thierry Chavant
Un grand merci à Thierry Chavant pour tout ce temps perdu. 
Aucun auteur de BD n'a été maltraité durant cet enregistrement.
Ce billet est dédié à Oncle Louis. )
(mot-clé : interview Thierry Chavant) 

10 commentaires:

Boyington a dit…

Super ineterreviou, Totoche. Mais p....n, t'es ouf toi de mettre du rouge. J'ai fini de lire avec difficulté, et résultat, maintenant je vois tout en vert!!! Bon, il est bien le Thierry. Y a qu'un truc, il a raison d'avoir honte de n'avoir pas lu "les passagers du vent". Allez, ziva. Obligé.

Hobopok a dit…

Cette interview n'est ni plus ni moins qu'un véritable scandale ! Une honte !
Signé :
Association des Presbytes Bourgetins.

Boyington a dit…

Ben si qu'y croit que je vais la relire parce que maintenant c'est en blanc, il se fourre le doigt... dans l'oeil!

Totoche Tannenen a dit…

Merci pour vos encouragements, les casse-couilles.
J'avais mis en rouge ce qui me semblait important.

Boyington a dit…

T'es prof?

biri a dit…

complimenti, bella intervista!

Boyington a dit…

* Au fait, donc ce qui était en blanc n'était pas important... Oh pardon!
Non, sérieux, c'est une très "bella intervista". (Mais personne, non personne ne m'a jamais traité de c....-c......! Non mais alors! En plus c'est vulgaire)
Bon, à quand avec qui la proxima interviu? (or the next interview)

Totoche Tannenen a dit…

à Boyington : Prof ? Pourquoi pas auteur de BD , pendant que tu y es ?

à Biri : Grazie. Spero che tu possa leggere un giorno "Bianca" in italiano ; è Thierry che fa tutto il lavoro...

Raymond a dit…

J'ai les oreilles qui bourdonnent (les yeux, ça va avec des lunettes). Si j'ai bien compris le message, tu nous recommande de lire Blanche ... n'est-ce pas ? (*)

(*) Faut pas te vexer ! Je suis assez lent à la comprenette.

Totoche Tannenen a dit…

Voilà : c'est un peu le principe du blogue !