13, rue del Percebe
Francisco Ibañez
Ediciones B
- Ooooh, tiens : une maison !
- Là : une autre !
- Oh le bel immeuble de Chaland ! Allez, on le met aussi !
- Qui ça ? Ah ouais, pas bête... Mais on n'en a pas en magasin. Pas grave, on mettra des photocopies...
Grosse déception donc, avec cette expo Archi & BD, la ville dessinée qui m'a plus donné l'impression d'une collection d'un peu tout ce que les commissaires avaient en stock plutôt que d'une réelle adaptation de planches à leur propos, par ailleurs plus que succinct.
En fait, j'exagère : il faut reconnaître que cette expo met aussi en valeur d'excellentes photocopies-couleur (apparemment on dit désormais "impressions numériques") pour combler le matériel manquant.
Des photocopies-couleur !
Non, mais imagine-t-on une expo au Grand Palais sur Monet, Van Gogh ou Picasso avec des photocopies-couleur ? Est-ce ainsi que l'on compte élever la bédé au rang de neuvième art ? Hein ? Ho ! Hé, dites, non mais sans blague.
Déjà, le thème est très vaste. Ah, ça c'est sûr que dans toute BD on va bien finir par trouver un héros qui habite dans une maison, située dans une rue, elle-même dans une ville (et s'il habite à la campagne, ça compte quand-même ?). Est-ce que toutes ces belles images ont bien un intérêt "architectural" ? Je n'en ai pas été convaincu.
Trop vaste ? Et encore, en entrant devant la fresque monumentale d'Olislaeger (quelqu'un peut-il me rappeler ce qu'il a fait en BD ?), on comprend qu'il n'y aura pas de village gaulois, de cité romaine ni de villes-fantômes (ce sont les copains alixophiles qui vont tirer la tronche) : si la BD commence au début du siècle, les commissaires de l'expo ont étonnamment décidé que cela devait aussi être le cas de l'architecture citadine. Pourquoi pas. Mais alors ne fallait-il pas plutôt parler d'"architecture moderne" ?
Dōmu-Rêves d'enfants, Katsuhiro Otomo, Humanos, |
Bon, les "cartes postales" des quartiers lointains de Taniguchi, je veux bien, m'enfin, n'aurait-il pas été plus intéressant de s'intéresser aux barres de HLM inhumaines qu'Otomo nous montre dans Dōmu ?
Le survol de que quelques autres grandes villes comme Londres (qu'est-ce que Jack l'éventreur a à voir avec l'architecture ?) ou Johannesbourg (dans mon souvenir,dans Bienvenue à Jobourg, Rabaté n'en montrait justement quasiment rien) n'a rien de passionnant. Je dois dire que je ne me souviens même plus si la Buenos Aires de Muñoz est représentée dans l'expo. Heureusement, Chicago est sauvée par Chris Ware.
Quant aux Belges, ils n'auront qu'à faire leur propre expo rue des Sables s'ils veulent qu'on voie de Bruxelles autre chose que l'Atomium... Peut-être les commissaires ont-ils estimé qu'il s'agissait d'une ville secondaire dans l'histoire du neuvième art ? Ridicule.
Déçu aussi quant au traitement de l'architecture futuriste. Si les cités-puits imaginées par Tsutomu Nihei dans Blame ! sont absentes, il semble que celles, paradisiaques à côté, de Mœbius soient bien montrées (la mémoire me fait défaut : je dois avouer que cela fait un moment que j'ai visité l'expo et que j'ai préféré ne pas rédiger ce billet à chaud), mais je n'ai pas de souvenir que la faisabilité ou leprojet de telles cités soit développées.
Dommage également d'ignorer l'étouffante Anderville de Cavazzano et Faraci qui nous montre que même une idyllique Mickeyville peut se transformer en infernale Gotham City si ses habitants l'abandonnent aux mains de promoteurs véreux et d'architectes dingues ?
Enfin, le sujet est si vaste qu'il faudrait une expo à part.
Masamune Shirow
Appleseed-Book two-Prometheus Unbound
Eclipse international, 1990
Où sont les délires architecturaux que l'on trouve en ouvrant n'importe quel manga (ah si : il y a bien une planche d'Urasawa pour sauver l'honneur) ? Et d'ailleurs où sont les mangas ? Restés bloqués, à part quelques rares exceptions, à Bruxelles, eux-aussi ?
Quant aux écrasants Schuiten et Peeters, ils auraient, là-encore, évidemment mérité une expo à eux-seuls...
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Blame ! 2, Tsutomu Nihei, éd. Glénat |
Je n'ai d'ailleurs toujours pas compris si le clignotement des néons était un effet voulu pour donner une ambiance de parking souterrain ou non ?
Allez, on termine par un bon point avec certains ateliers de la deuxième partie de l'expo comme
- Reiser et les cons -donc- d'architectes,
- Golo et les vue panoramiques en hommage à l'art du sandouk-el-dounia cairote,
- la Maison de Verre de Pierre Charreau admirablement interprétée par Avril, Ted Benoit, Götting, Juillard et Loustal,
- celle, non moins superbe des Garde-Fous d'Olivier Bézian, le frère de Frédéric.
Quant au musée Rodwell de Louvain-la-Neuve, on rappelle bien que Joost Swarte en a dessiné l'architecture intérieure, mais on n'en verra hélas que la maquette de... Christian de Portzamparc !
En tant que visiteur "passablement averti" comme dirait l'autre, je suis donc hélas certainement "passé à côté" de cet expo... Heureusement, tout le monde ne partage pas mon avis. Que cela ne vous dissuade donc surtout pas d'aller vous forger le vôtre à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine avant le 28 novembre (8 € l'entrée, 5 pour les héros sans emploi) et de nous faire part de vos impressions, même si elles ne sont pas numériques.
Une scéno qui touche le fond ?
(N.B. : hormis la chute de Difool, aucune des illustrations de ce billet ne figure à l'expo)
1 commentaire:
Merci de confirmer ce que je pressentais de loin, Totoche.
Il ne semble pas urgent d'aller à Paris cet automne, quoique ... il y a l'expo sur Claude Monet ... bon, c'est vrai, je suis en train de manquer quelque chose.
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