lundi 9 mars 2009

Les mésaventures d'une jeune fille comme il faut... ou les plaisirs du XXIXe siècle.

2008  exposition cité de la musque stefan de jaeger portrait de serge gainsbourg
Si l'exposition Gainsbourg présentée à Paris par la Cité de la musique a reçu un accueil mitigé de la part de certains critiques, elle aura en revanche été plébiscitée par le public, accueillant plus de 100.000 visiteurs en quatre mois. Prolongée de 2 semaines, elle fermera ses portes le 15 mars avant de s'envoler pour São Paulo.

ou es tu melody gainsbourg iusse
Il est vrai que la scénographie originale voulue par le commissaire Frédéric Sanchez aura pu apparaitre un peu bordélique aux yeux (et oreilles) des "rats de musées" habitués à des parcours plus "pédagogiques", mais qu'elle aura à l'inverse certainement su séduire les inconditionnels du zapping ou du surf sur Google-image.


Le système de "totems thématiques" (en fait des piliers où s' entassent pêle-mêle des écrans lumineux présentant photographies, illustrations et vidéos) habillés de "douche sonores" m'a paru - il est vrai - assez peu adapté à un espace aussi exigu que la salle d'exposition située au sous-sol de l'institution de la Porte de La Villette : les textes des chansons de Gainsbourg lus par divers interprètes et proches du chanteur se superposant aux sons issus de ces poteaux enluminés censés aboutir à une "composition sonore spatialisée", on aboutit plutôt, le brouhaha ambiant aidant, à une espèce de cacophonie migrainogène, et il faut vraiment se concentrer pour réussir à suivre plus de cinq minutes, planté debout devant un de ces petits écrans, un des nombreux documents audiovisuels présentés issus des archives de l'INA.
En somme, c'est un peu comme quand on va à la campagne rendre visite à ses vieux parents qui présentent un début de surdité et qu'on essaie de se parler d'une pièce à l'autre avec, en fond sonore, le poste de radio et les deux téléviseurs allumés en même temps, volume à fond (et je ne vous dis pas quand il y a les nièces qui braillent...).

forest marie mathématique
Mon intention n'est bien évidemment pas d'entrer dans un débat du genre"Faut-il donner au public ce qu'il attend pour le faire venir au musée ?" mais tout simplement d'attirer votre attention, si vous visitez cette exposition, sur un de ces fameux totems (le cinquième à gauche en entrant, si mes souvenirs sont bons) qui m'a permis découvrir une bien jolie héroïne de papier dont le créateur graphique n'est autre que Jean-Claude Forest, le créateur de Barbarella, Hypocrite et autre Bébé Cyanure.


Marie Mathématique, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, fut officiellement présentée lors de sa première programmation comme "la première héroïne TV de science fiction". Elle vécut des aventures sidérales le temps de six courts métrages d'environ cinq minutes chacun diffusés mensuellement dans l'émission Pim, Pam, Poum Dim Dam Dom, du 28 octobre 1965 au 29 avril 1966. Il y est efectivement brièvement fait allusion dans "L'Art de Jean-Claude Forest" des éditions de l'An 2, paru en 2004, mais il me semble que ces épisodes n'ont jamais été rediffusés depuis.


L'exposition répare donc cet oubli en présentant l'intégralité de cette hexalogie réalisée par Jacques Ansan : "Marie Mathématique à (a ?) 16 ans", "Des bestioles encore des bestioles", "A l'abordage", "Un mal qui répand la terreur", "Marie Mathématique franchit la porte défendue" et "Week-end à la mer". À noter qu'une projection fut même organisée le 26 octobre 2008 à la Cité de la musique.

forest marie mathématique 2"Albaaator, Albaaaaaator..."

Il ne s'agit en fait pas de dessins animés au sens strict du terme mais plus précisément de "dessins découpés animés" (technique chère à Michel Ocelot (Gédéon, Kirikou...)) qui furent spécialement créés pour l'occasion par Jean-Claude Forest.
Les textes, écrits par son propre beau-frère, l'écrivain André Ruellan, sous une forme poétique fixe médiévale, le virelai, étaient ensuite interprétés par Serge Gainsbourg qui avait été approché par la productrice Daisy de Galard.


Le résultat est certes un peu statique et chaotique, et fait évidemment un peu cheap aujourd'hui.
C'est sûr, on est plus proche techniquement des Shadoks que de Wall-E. Comme dirait tonton Michel, "on voit bien que c'est fait à la main".
Mais justement, je trouve que le côté "bricolage" accentue la poésie des dessins et des textes. Un peu comme un petit meuble branlant, bancal, mais finalement attachant qu'un bricoleur du dimanche aurait fabriqué lui-même avec les moyens du bord.
Par ailleurs la bande son, que je ne connaissais pas non plus, est vraiment originale (ce n'est pas du Gainsbourg "commercial") et préfigure même à mes oreilles l'Histoire de Melody Nelson.
Je suis étonné que des éditeurs comme Nocturne ou l'Association ne semblent pas s'être encore intéressés à l'édition d'un DVD ou d'un CD avec livret.


On sait que Gainsbourg était une vraie éponge (culturelle s'entend) et que de Fernand Léger à Bob Marley, en passant par Boris Vian, Paul Klee, Antonín Dvořák, Frédéric Chopin, Salvador Dalí, Sid Vicious..., ses influences furent nombreuses.
Sa culture BD n'était pas en reste, comme en témoignent les nombreuses références aux petits miquets parsemées dans "Qui est in, qui est out" (hommage suprême à la Barbarella de Forest), "Roller Girl", "Comic Strip", "Charlie Brown", "Panpan Cucul", Marilou sous la neige" et bien entendu le fameux "Mickey Maousse", comme le rappelle Benoît Mouchart dans un passionnant article intitulé "Gainsbourg bédéphile ?".

black out armand gainsbourg
Enfin, pour terminer, vous saviez certainement que Gainsbourg avait signé de son vivant le scénario d'une bande dessinée intitulée "Black out" et illustrée par Jacques Armand mais cet article vous apprendra ou vous rappellera également qu'Evguénie Sokolov, le héros du seul roman écrit par Gainsbarre est non seulement pétomane mais également... dessinateur de bande dessinée (l'histoire ne dit pas s'il se nourrit de chili con carne) !


À lire également, une interview de Gainsbourg par Philippe Manoeuvre réalisée pour Métal Hurlant en 1987.

Je vous laisse avec cette version de Brigitte "Barbarella" Bardot évoluant dans des décors psychédéliques de Tito Topin, plus proches de ceux de Pellaert que de Forest.



11 commentaires:

Hobopok a dit…

Dans une conférence sur la Vie sexuelles des cafards en milieu urbain dnas le Sant-Empire romain germanique, il y en aurait encore un pour ne remarquer que le troisième huissier au fond dans la semi-pénombre près de la sortie de secours avec sa cravate Marsupilami : Totoche.

Li-An a dit…

Ah bah, c'est une expo où j'ai pu tailler la bavette avec Chamfort... (il n'est pas dit qu'il y avait une pièce contenant l'intégralité des pochettes des 45 t Gainsbouriens mais surtout des ordis permettant de visionner en toute sérénité de nombreux documents sur l'homme à tête de chou).

Anonyme a dit…

Aaah, Brigitte Bardot! Merci pour ces petites minutes, Totoche.
Sinon, j'aime bien Gainsbourg, mais pas en BD !

Anonyme a dit…

Ah ben m.... alors, on n'avait pas encore la TV en 65! C'est trop c.. tiens!
On n'a pas eu la troisième planche de Gauguin après mes deux semaines de philippinage, mais j'sus ben content de retrouver le planbédé de Totoche au sortir du Boing. Tiens bon l'adsl mon gars, et longue vie au blog et aux filles à gros seins. (J'aimais mieux BB avant, même en brune)

Anonyme a dit…

Concernant Black Out, c'est surtout un scénario de film qu'il n'a pas pu réaliser et a volontiers "abandonné" à Armand, je crois. Concernant les mauvaises critiques, elles sont nulles et non avenues.

Totoche Tannenen a dit…

Pour plus d'info sur "Black Out", on pourra se reporter à l'interview de Philippe Manoeuvre (en lien).

Totoche Tannenen a dit…

En ce qui concerne les éditions Nocturne, c'est mal barré :

http://www.bdzoom.com/spip.php?article3793

Pablaktus a dit…

Vraiment serait dommmage s'il n'y aurait pas une edition en dvd pour Marie Mathematique, avant soit trop tard et la source où pouvoir reussir ces tresors du dessin animé-musique-bd art soit perdu par toujours.

C'est un dream team pour "l'art cadotique"

Totoche Tannenen a dit…

Ces épisodes, conservés dans les archives de l'INA, ne sont pas perdus, mais juste oubliés... On peut les visionner, à condition d'avoir un abonnement (hélas réservé aux professionnels).
Vu le succès de l'exposition à Paris, il y avait certainement un beau coup ""commercial"" à jouer...
Dommage, espérons que ce ne soit que partie remise...

Au vu de mon "courrier", il semble que Gainsbourg ait son petit fan-club en Amérique du sud...?

Pierre a dit…

Je désespère moi aussi de revoir un jour cette merveille de poésie qu'était "Marie Mathématique" que j'ai découvert il y a une dizaine d'années lors d'un choix de "Dim Dam Dom" (re-diffusés sur je ne sais plus sur quelle chaîne). L'INA, qui exhume peu à peu ses archives sur DVD ferait bien d'y songer en s'associant par exemple à des éditeurs comme Actes Sud/L'an 2, L'Association, Vertige Graphic/Coconino ou Cornelius. En dehors du remarquable "L'art de Jean-Claude Forest" qui l'évoque (un peu), la meilleure trace "papier" de cet OVNI reste le numéro 22 de la revue "Giff Wiff" (de décembre 1966) qui y consacra 23 pages plus une illustration de couverture inédite. On peut encore le trouver chez les bouquinistes et sur le web.

Totoche Tannenen a dit…

Merci, Pierre. Je vais me mettre à la recherche de ce numéro de Giff Wiff.