
Lorsque nous partions en vacances, mes parents, pour avoir la paix, nous achetaient à moi et mes morveux de frangins, des "pochettes de bandes dessinées" que nous trouvions sur la route dans les stations services, ou bien dans divers magasins du sud de la France.
Il s'agissait généralement de numéros invendus de
Pif Gadget, Mickey Poche ou de
Picsou Magazine, parfois d'albums brochés en noir et blanc des éditions Prifo reprenant des récits classiques un peu chiants, et c'était le délire lorsque nous trouvions des albums cartonnés de
Mortadel et Filémon aux éditions Aventures et Voyages.

Mais mes BD préférées étaient sans doute
Les Récrés de Totoche et surtout
Les Vacheries de Corinne à Jeannot (plus "politiquement incorrect" à mes petits yeux myopes), deux mensuels au format de poche auto-édités à partir de 1979 par
Jean Tabary et
Francis Slomka, un journaliste qui tenta brièvement une carrière de dessinateur avant de mal tourner en s'orientant vers la chirurgie orthopédique (ce dernier, à l'origine des albums
"Iznogoud et les femmes" et
"L'enfance d'Iznogoud", vient par ailleurs d'ouvrir à Paris une
galerie de plus consacrée à la Bande Dessinée).

Les Récrés ne vécurent que le temps de deux numéros (le troisième, annoncé, ne vit jamais le jour, rejoignant la longue liste des BD-fantômes). Elles furent concurrencées par son faux-jumeau lancé en kiosque simultanément et qui lui survécut un an (soit quatorze numéros au total), ce qui constitue certainement l'unique cas de fratricide dans l'Histoire du Neuvième Art !

Certes, on ne peut pas dire que ces deux magazines furent un modèle de créativité ni qu'ils servirent de tremplin pour de jeunes auteurs, puisqu'ils reprenaient essentiellement d'anciennes histoires de
Tabary, remontées en trois bandes pour l'occasion, plus rarement de
Gotlib (Puck et Poil et
Jujube et Gai Luron), voire de
Christian Godard (Pipsy).

Nous y dévorions ainsi pendant des heures les aventures de
Totoche et de sa bande, de
Valentin le vagabond et de l'infâme
Iznogoud, les enquêtes de
Richard et Charlie, ainsi que les gags, spécialement dessinés pour l'occasion, des différents personnages de la bande à
Totoche :
Bouboule et Bouboulina, Corinne et Jeannot, Bigrousse, un chien émouvant de laideur, ainsi que
Les Cauchemars d'Iznogoud...

Je pense garder encore aujourd'hui des séquelles de l'absurdité des histoires sans queue ni tête de
Grabadu et Gabaliouchtou (les deux héros les plus cons de la bande dessinée, d'après Gotlib) (dans le texte !)...

Les éphémères
Récrés et les
Vacheries "invitaient" tout de même chaque mois un héros non-
tabaryesque. On y trouvait donc des reprises de courts récits complets, issus de différentes maisons d'édition, tels
Astérix,
Cubitus,
Lucky Luke,
Gaston Lagaffe, les Schtroumpfs,
Pifou, Snoopy,
Norbert et Kari, Ric Hochet, la Jungle en Folie, Archibald (de Jean Ache), etc, qui représentaient le "gratin" de la BD de l'époque. Mais toujours pas de place pour de jeunes auteurs...


Non, l'effort était surtout porté sur le côté rédactionnel,
tous les moyens étant bons pour créer une connivence avec le jeune lectorat : courrier, jeux, astuces de
Totoche, explications de
l'ingénieur (l'intello de la bande), S.O.S Vacheries et Vacherie du mois avec bien entendu
Corinne et Jeannot, et même les recettes de
Bouboule et Bouboulina, etc, etc... , toutes ces rubriques étant abondamment illustrées avec les personnages de
Tabary qui interpelaient directement les lecteurs.

"
Mais alors, qu'est ce que notre Totoche à nous y trouvait de si passionnant là-dedans, au point de nous pondre cette notice ???" se demandent ceux qui n'ont pas encore quitté la page.
C'est ce que tu découvriras, ami lecteur, dans le prochain billet de
Plan B(d) !
(à suivre...)