mercredi 31 août 2011

J'aime Gemma


Toutes les jeunes mamans savent combien il est difficile de composer entre sa vie de famille et son métier. Mais quand on est agent secret comme Alice (un mari, deux chiards) -ou plutôt Gemma- et qu'on doit faire l'aller-retour dans la semaine pour aller convoyer des œuvres d'art au Bangladesh, ça devient carrément Mission impossible.


 C'est avec cette idée a priori simple d'approfondir leur héroïne en nous faisant partager les joies de sa vie privée (ça sent souvent le vécu) que 'Fane (Skud, Joe Bar Team, Rallye raid Calagan, Petites éclipses) et Nadje (sa compagne ?) réussissent à nous rendre leur héroïne si attachante sans jamais tomber dans le racolage graveleux : pas un décolleté, pas l'ombre d'un porte-jarretelle, pas un talon-aiguille, pas même une scène sous la douche : ceinture !

Comme Conrad jadis, 'Fane s'affirme en digne héritier de Franquin, transcendant son dessin à la serpe. Il est impeccablement servi par un scénario à la Tillieux, les poursuites en bagnoles de six pages comprises ; heureusement, le récit dépasse les quarante-quatre planches réglementaires. Cette aventure, digne du Treizième apôtre ou d'Un trône pour Natacha est directement inspirée de l'invraisemblable débâcle de l'exposition Chefs d’œuvre du delta du Gange qui aurait dû avoir lieu en 2008 au musée Guimet. Autant être prévenu : on ne lâchera pas ce bouquin (ni son souffle) avant la dernière page.

Rien qu'avec le camion, on se croit déjà dans Shukumeï ou Le treizième apôtre !

Les Gardiennes de Dhâkâ est déjà sorti il y a un an et, selon mes calculs, le tome 3 ne devrait plus tarder : je devrais donc juste avoir le temps de me précipiter chez le libraire pour aller acheter le premier volet de cette jolie série, née aux éditions 12bis en 2009, bien que les vendeurs d'une librairie soit disant "spécialisée" du Bd St Germain m'aient affirmé, railleries à l'appui, que Gemma n'existait pas.
Ce qui, finalement, est logique pour une taupe.



lundi 29 août 2011

Ali Ferzat méprise l'obstacle

 Ali Ferzat va mieux : il a pu bouger un doigt.

Ceci n'est pas une caricature d'Ali Ferzat

(merci à Jicé, notre envoyé spécial à Damas)

Gipi et les E.T.


Si l'exquis Ni à vendre ni à louer était de l'aveu même de Pascal Rabaté un "O.F.N.I.", c'est bien dans L'ultimo terrestre, le premier long-métrage de Gian Alfonso Pacinotti alias Gipi, annoncé pour le 9 septembre (en Italie), que les E.T. débarquent sur Terre, dans une Italie en crise. Sans doute habitués aux "hordes" de morts-vivants, ou plus récemment à l'afflux de réfugiés tunisiens et libyens, nos voisins transalpins ne semblent pas plus émus que ça en apprenant la nouvelle à la télé. Mais les choses pourraient vite évoluer, surtout pour Luca, un paumé incapable du moindre sentiment, comme le suggère la prometteuse bande-annonce.



 Le film est librement adapté d'une BD de Giacomo Monti, parue chez Canicola, dont on peut avoir un aperçu ici. Monti est publié sur en Suisse, en Finlande et même au Brésil, mais je ne crois pas l'avoir vu traduit en français (?).


Il parait que l'annonce du débarquement sur la toile par une présentatrice du JT, à la Orson Welles, aurait créé le buzz dans la péninsule.



Après Chomet, Lauzier, Oubrerie, Rabaté, Sattouf, Satrapi, Sfar ou encore Winshluss, c'est donc une nouvelle pièce maîtresse que le cinéma vient nous faucher. Souhaitons, comme Laura Scarpa sur son nouveau blogue, que Gipi y rencontre le succès qu'il mérite, mais aussi qu'il redescende vite nous voir sur Terre, avec plein de nouvelles histoires dessinées.



samedi 27 août 2011

Laurence Croix, une femme de couleurs

 C'est avec Laurence Croix, la coloriste du Gauguin de Li-An, des Nemo et Biotope* de Brüno (* et Appollo), du Spirou de Yann et Schwartz ou encore du dernier Blake et Mortimer, ou plutôt avec ses travaux de jeunesse "hors-commerce", que j'ai eu la chance de passer l'été.


 Grâce aux Techniques de mise en couleurs dans la bande dessinée : de l'imagerie d’Épinal à nos jours, son mémoire de maitrise d'arts plastiques présenté en 1998 à Rennes, j'ai enfin compris la différence entre colorisation et coloriage, la subjectivité et le symbolisme des couleurs ou encore leur incidence sur la lisibilité et la narration. Je suis incollable sur l'Histoire de la mise en couleur, de Gutenberg à Photoshop en passant par Épinal, le Yellow Kid et McCay, Hergé et Jacobs, Hislaire, De Crécy et même Yann et Conrad.





La bi-, la tri- et la quadrichromie, le Ben Day de Chaland et Swarte, le double tone de Roy Crane, l'offset, la "couleur directe", les bleus d'imprimerie et même le JV 16 de Léonardo ne sont plus des gros mots, je sais tout, tout, tout (on y croit), tout ce que je n'ai pas déjà oublié ou compris de travers (pas évident le truc des contrastes d'Issen et de Chevreul -chers aux Impressionnistes, je crois- pour un daltonien).


Après un rappel historique et technique, Laurence Croix démontre grâce à une série d'expériences (la série chromatique) menées en couleur directe, sur bleus puis à l'aide de cases préalablement colorisées par ses cobayes, qu'une même série de planches peut raconter différentes histoires en fonction de la colorisation et par là même que la couleur est [bien] un "acteur" à part entière de la bande dessinée. Elle ouvre ainsi la porte à un "OuChroPo", Ouvroir de Chromaticité Potentielle, déjà évoqué par Thierry Groensteen en 1997 dans l'Oupus 1 de L'Association et qui sera développé mathématiquement grâce à l'outil informatique dans son DEA d'Arts plastiques l'année d'après.

Deux ouvrages -passionnants, donc- sur l'enfant pauvre si souvent maltraité du neuvième art, qui m'ont rappelé un autre excellent mémoire que j'avais pu lire il y a quelques années, celui de Cali Rezo sur les couleurs du Dernier chant des Malaterre de François Bourgeon, et qui ne feraient certainement pas tâche dans la pléthore d'ouvrages consacrés aux techniques de la bande dessinée déjà disponibles en librairie.

 Alors, même si Hermann (un des dessinateurs interviewés dans le mémoire de maîtrise aux côtés de Cabanes, Hausman, Midam et Davodeau) trouve "qu'il y a des choses plus agréables à masturber que la cervelle", je remercie Laurence Croix, impressionnante par sa culture, notamment BD, grâce à qui j'aurai tout de même réussi à prendre des couleurs cet été.

(un grand merci également à Ronan)

vendredi 26 août 2011

Tabary héros

 C'est dans le sixième numéro des Vacheries de Corinne à Jeannot (septembre 1979) que les petits lecteurs se voient proposer une nouvelle animation : l'écriture de scénarios.


 Le jeu en vaut la chandelle puisque les meilleurs histoires seront illustrées par Jean Tabary lui-même, excusez du peu ! Un sondage est réalisé afin de créer le nouveau héros chargé de vivre ces aventures. Le résultat tombe le mois suivant, les lecteurs ont choisi (même si ça sent la bidouille) : ce sera... Jean Tabary lui-même qui, sous le nom de Jean Kralaplum (Goscinny n'avait pas le monopole des calembours vaseux), ira au charbon pour subir jusqu'à la fin du magazine une poignée de gags... niveau Carambar !




 Voilà en tout cas comment on rend une génération de lecteurs accros à la BD, tout en meublant son journal à un moindre coût. Chapeau, l'artiste !


jeudi 25 août 2011

Tueur en Syrie


Je n'avais jamais entendu parler du caricaturiste syrien Ali Farzat (pour tout dire, je ne savais même pas qu'on avait le droit de faire des caricatures ou de l'auto-stop dans ce pays) jusqu'à ce que de mystérieux agresseurs, qui n'avaient semble-t-il pas apprécié un de ses derniers cartoons (cf supra), aient la bonne idée de le passer à tabac, lui pochant les yeux et lui brisant les mains.
S'ils comptaient le faire taire, c'est pour l'instant raté :

http://animals-theblog.blogspot.com/2011/08/politica-e-fumetto.html
http://fumiefumetti.blogspot.com/2011/08/guerra-e-fumetti-ali-ferzat.html
http://palestinianpundit.blogspot.com/search?q=ali+ferzathttp://www.cartooningforpeace.org/3934/ferzat
http://syrie.blog.lemonde.fr/2011/08/25/le-caricaturiste-ali-farzat-enleve-et-blesse-par-des-moukhabarat/http://www.rfi.fr/moyen-orient/20110825-syrie-caricaturiste-tabasse-blesse-mains-une-villageoise-tuee
http://blogs.mediapart.fr/blog/michele-dorais/250811/le-dessin-qui-tue-hommage-ali-ferzat
http://www.guardian.co.uk/world/2011/aug/25/syria-cartoonist-ali-ferzat-beaten
http://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-14665113
http://blogs.aljazeera.net/liveblog/Ali-Ferzat
http://www.journalmetro.com/monde/article/951869--le-caricaturiste-syrien-ali-ferzat-s-est-fait-briser-les-mains
http://www.washingtonpost.com/blogs/blogpost/post/syrian-security-forces-break-hands-of-political-cartoonist-ali-ferzat/2011/08/25/gIQAmF9idJ_blog.html
etc.
Le site d'Ali Farzat (ou Ferzat) est curieusement en dérangement en ce moment. Il faut pourtant aller se rendre compte de son immense talent, de son humour, de sa liberté de ton et de son courage extraordinaire à cette adresse : http://creativesyria.com/farzat.htm.

Voici aussi quelques cartoons glanés sur la toile :








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 Sinon, le dessinateur Égyptien Magdy El Shafee a le droit à une expo à Ancône et va être publié, toujours en Italie, dans l'immanquable revue ANIMAls.

mercredi 24 août 2011

NAVNAL



Pascal Rabaté continue son petit tour de France d'en bas entamé en BD chez Futuropolis en 1989, puis au cinéma l'an dernier avec sa propre adaptation de ses Petits ruisseaux.
Ni à vendre ni à louer devrait ravir les amateurs de supérettes, de voiturettes sans permis, de pépettes qui partent en vacances, et des BD de Binet, Margerin ou... Rabaté.


Pourtant, alors que ses BD m'avaient conquis parce qu'elles ne ressemblaient à rien de ce que je connaissais alors, cet "Objet Filmique Non Identifié" m'a quant à lui un peu gêné par le nombre de ses références, conscientes ou non : entre les personnages aphasiques ou les plages atlantiques de Tati, les myoclonies phrénoglottiques du Charlot des Lumières de la ville, les commentaires radiophoniques du Tour de France des Triplettes de Belleville, les Bidochon de Strip-tease et les vagues de dunes du Cowboy de Benoît Mariage, les tronches des Deschiens (rappelons que Rabaté a récemment illustré les cartes postales de François Morel) ou encore celles de Delicatessen (Rabaté reconnait également l'influence d'Étaix, Demy, Kaurismäki, Campion, Edwards)..., les amateurs de clins d’œil sont servis !


Par ailleurs, alors que les cinq-cent-soixante-seize pages d'Ibicus coulaient de source, les saynètes de NAVNAL semblent avoir parfois un peu de mal à s'accrocher les unes aux autre (ce qui m'a du coup fait penser aux films d'Enki Bilal, mais là je suis pervers).

Mais bon, on s'en fout, c'est l'été et on a le temps de rêver avec un peu de poésie dans ce monde de brute et de daubes en 3D : allez déguster ce délicieux futur petit péché de jeunesse au ciné du camping avant qu'il ne soit trop tard.

Prudhomme cligne (?) Magritte
 

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Olivier Texier fait son intéressant en girafe à barbe.
(Mais..., si on danse ?)

Petit Nicolas et grand vizir

Le saviez-vous ?
C'est en écrivant une nouvelle du Petit Nicolas que René Goscinny eut l'idée de créer l'ignoble Iznogoud, un personnage qui fera son apparition sous la plume de Jean Tabary en 1962, non pas dans Pilote mais dans le magazine Record.

Dans cette interview datant de 1975, ils dissertent ensemble de leur art.

lundi 22 août 2011

Taba...r.i.p

Jeannot Tabary (1930-2011)


Les personnages doivent-ils survivre à leurs créateurs ? Jean Tabary répond à cette délicate question en 1977, au lendemain de la mort de René Goscinny.



Merci Monsieur Tabary.

jeudi 18 août 2011

Faut pas Charlier


 A ses débuts dans les Heroïc Albums, Tillieux a pas mal "pompé" (Hergé, Jijé, mais aussi Milton Caniff, Frank Robbins ou même Fred Harman). Quelques années plus tard, c'est Charlier lui-même qui se chargera de les venger.
 Bien fait.


(ce billet est pompé sur l'excellente monographie de Maurice Tillieux par Thierry Winants, parue chez L'âge d'or ; quant aux images nettoyées, elles ont été piquées chez BDZoom et sur la foire au gras à Raymond)

mardi 16 août 2011

Bédérama Paris


 On termine cette rétrospective non exhaustive avec les unes de quelques suppléments parisiens illustrés par une brochette d'artistes qu'on imagine soigneusement sélectionnés pour leur "couleur locale". Il s'agit de Diego Aranega, Vuillemin, Dupuy et Berbérian, Annie Goetzinger et toujours Beb Deum.
 Mais il faut croire que le lecteur parisien de Télérama aime également la BD belge (Geluck, Franquin) et les mangas.
Bon, avec tout ça, je ne sais toujours pas si je me ré-abonne.