dimanche 31 janvier 2010

Chaland recalé


Il était une fois aux Beaux-Arts de Saint-Étienne, un groupe de quatre fiers étudiants constitué par Yves Chaland, Michel Bellon (un futur publicitaire), Jean-François Biard et Luc Cornillon, décidant de créer leur fanzine.

L'Unité de Valeur
, tiré à deux-cent-cinquante exemplaires, ne comptera que deux numéros et servira de travail de fin d'études à nos jeunes Stéphanois. Comme l'expliquait le père du Jeune Albert en 1992 dans PLG n°28 , quelques exemplaires invendus furent envoyés à divers magazines, en guise de carte de visite.

On retrouve la trace de celui envoyé en 1976 à l'hebdomadaire Spirou, dans les pages du n°2004, à la rubrique Et les Fanzines tenue par Terence, alias Thierry Martens, qui avait -selon Yann*- déjà refusé plusieurs Cartes Blanches à Chaland (ainsi qu'à Serge Clerc !).


Le rédac'chef de l'époque fut assez sévère, se contentant d'apprécier le benday ("impression correcte"!) et de féliciter Cornillon, mais ne vit hélas pas le génie en devenir de Chaland, caché dans les pages du fanzine... Dur, dur d'être rédac'chef !

Chaland étant aujourd'hui unanimement reconnu, cette historiette prête à sourire et l'on ne peut évidemment pas en vouloir au pauvre Martens, grâce à qui émergèrent (tout de même !) des talents comme Conrad, Frank, Geerts, Hislaire, Wasterlain, Yann, etc. d'être passé à côté ce jour-là...

Car, heureusement pour tout le monde et tout est bien qui finit bien, un autre exemplaire de L'Unité de Valeur fut judicieusement adressé à la rédaction de Métal Hurlant, retenant cette fois-ci l'attention de Jean-Pierre Dionnet qui y verra, lui, "la meilleure couverture fanzine de l'année"**.
On connait la suite.

Et les Fanzines ?
Terence/Franquin
in Spirou 2004,
9.9.1976, Dupuis


*Yann-Un Harem de Papier-Entretiens avec Ronan Lancelot, Toth 2004

**Chaland-Portrait de l'Artiste, collectif sous la direction d'Isabelle Baumenay-Joannet et Éric Verhoest, Champaka 2008

samedi 23 janvier 2010

Le saviez-vous ?


Pour l'élaboration du F-52, le premier aéronef à propulsion atomique (dont le vol inaugural eut lieu entre Le Bourget et Melbourne), Yves Chaland reconnaissait s'être inspiré de la couverture d'un numéro de Science et Vie, paru en 1949.
Étonnant, non ?


Eh oui, comme nous le rappelle -non sans humour- notre confrère Pat Rik avec sa pâte dentifrice, que l'on s'appelle Chaland, Caniff, Ibañez, Séron ou Giraud ne change rien à l'affaire : quel que soient son talent et son imagination, rien (?) ne remplacera jamais une bonne vieille documentation.

dimanche 17 janvier 2010

Soline et l'éthique


Une Croisière au Hasard
Josepe
Scutella, 2009


Faisant fi de la surproduction éditoriale, de la crise économique et de l'incompréhension de ses proches, mais forte de son expérience de consultante et de chef de projets dans les métiers de l'image, Soline Scutella décide de fonder sa propre maison d'édition au début de l'année 2009.

Spécialisées dans l'illustration et la bande dessinée pour la jeunesse, les éditions Scutella, basées entre Jarnac et Angoulême, privilégient non seulement les jeunes auteurs du cru qui viennent lui soumettre leurs projets, à la manière de Choco Creed ou de Guy Delcourt au temps des Enfants du Nil, mais également les artisans locaux pour imprimer et relier leurs ouvrages.

Les habitués du site Coconinoworld ne seront donc pas surpris de retrouver au catalogue de Scutella des auteurs comme Rémi Cramet, Adrien Demont, et sutout Josepe, qui publie -à la manière d'Art Spiegelman- ses carnets de voyages intérieurs.


Mille et Une Bêtes
Julie M.
Scutella, 2009


La ménagerie de Julie M., que j'ai découverte au Salon de Montreuil, m'a également fait craquer ; je ne serais pas étonné qu'elle fasse, des petits lecteurs qui la visiteront, de futurs militants pour le WWF ou pour Greenpeace !

Pierre et Lou
Éric Wantiez et Marie Deschamps
Scutella 2009


Pierre et Lou est une histoire d'amour contée par Éric Wantiez et Marie Deschamps -à mille lieues des relations entre garçons et filles décrites dans Tamara Boula, Titeuf, et autres Petit Spirou - que l'on peut également découvrir sur leur blogue.

Je tenais enfin à souligner que cette courageuse éditrice provinciale mettait un point d'honneur à ce que la fabrication de ses livres se fasse de la manière la plus éthique et écologique possible. Espérons que cet exemple fasse tâche d'huile.

Il va de soit que Soline Scutella et quelques-uns de ses poulains seront présents lors du prochain Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême.

mercredi 13 janvier 2010

Pervers Pépère

Blessure d'Amour-Propre par Martin Veyron (Dargaud, 2009)

L'auteur maudit poursuivi jusque dans sa tour d'ivoire ?

Quelle peut être la vie d'un auteur de BD bientôt sexagénaire (si, si), ayant connu son heure de gloire il y a déjà un quart de siècle grâce à un best-seller (L'Amour Propre (ne le reste jamais très longtemps)) adapté au cinéma*, dont le succès fut tel qu'il devait, à son grand désarroi, occulter le reste de son œuvre ?

(image empruntée à Elouarn)

Un auteur, jadis sacré à Angoulême**, peut-il résister à la pression conjuguée de ce "public qui n'a rien compris", ne jurant que par la loi des séries et accessoirement avide de scènes de cul d'une part, et de celle de son éditeur (qui au contraire a tout bien compris, lui) de l'autre ?

Le vrai-faux Martin Veyron, rêvant de jardins secrets et plutôt occupé à régler ses problèmes de plomberie arrivera t-il à assumer longtemps sa vraie-fausse réputation de pornographe chic (le "spécialiste du point G", c'est lui) née de l'ambigüité entretenue par l'auteur avec ses personnages ?


Les réponses à toutes ces questions pourraient bien se trouver dans le dernier ouvrage en date, superbement dessiné et aux réparties cinglantes, du -cette fois-ci- vrai Martin Veyron : l'excellent Blessure d'Amour-Propre.

Eh oui, je découvre -sur le tard, moi aussi- comme un con de lecteur qui n'aurait jamais lu que L'Amour Propre (ne le reste jamais très longtemps), que Martin Veyron est un as du pinceau, dirigeant de main de maître le jeu de ses acteurs dessinés.

Et si Blessure d'Amour-Propre a parfois pu me faire penser aux Wolinski, (Elles ne pensent qu'à ça...), cette espèce de course-poursuite sexuelle (oui, oui, rassurez-vous, il y a de bonnes vieilles scènes de cul) m'a en revanche réellement fait rire (ce n'est évidemment que mon opinion, mais je la partage néanmoins).
Quant aux affres du créateur, elles devraient ravir les amateurs d'introspections chères à Woody Allen : non seulement l'auto-dérision a rarement atteint un tel sommet en Bandes Dessinées, mais, cerise sur le gâteau, dans Blessures d'Amour-Propre, le lecteur est également invité à s'égratigner lui-même !

Martin Veyron (le personnage) :
un croisement entre Mr Jean et Gros Dégueulasse ?

Bien entendu, vous aurez compris que Blessure d'Amour-Propre (qui aurait mérité de figurer dans mon Top 10-2009 si je l'avais lu plus tôt), n'est pas un " vulgaire tome 2", et il n'est nullement nécessaire d'avoir lu le premier t... je veux dire L'Amour Propre (ne le reste jamais très longtemps) pour déguster cette histoire, lue et approuvée par Mme Totoche (qui a, comme vous le savez désormais tous, toujours bon goût...).

Bon, je vous laisse, il faut que j'aille pisser.

J'avais juste demandé (comme tous les gros cons de lecteurs de séries)
à Martin Veyron - à côté de qui Mme Totoche avait décidé
de s'asseoir pour faire une pause (il les aimante, je vous dis !)
de me dessiner une belle gonzesse...
Une manière fort classieuse de la part de ce dandy
de me faire remarquer que je n'étais qu'un gros con tout court...

(Pour joindre Martin Veyron au téléphone, c'est ici)

(*réalisé par lui-même en 1985)
(**Grand Prix en 2001)

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Bonus Bonnet D : bref extrait de L'Amour Propre... chopé sur Dailymotion :

lundi 4 janvier 2010

Les Yeux qui piquent

Lhasa (1972-2010)




Après Tibet, Lhasa : la Camarde a décidément un humour de m.... .
La voix fragile et envoutante de la belle chanteuse nord-américaine Lhasa de Sela s'est trop tôt éteinte le 1er janvier ; la faute à un p..... de cancer du sein.


(clip réalisé par les Québécois Alexandre McLean et Kathleen Weldon)

Ah, zut... j'ai encore une poussière dans l'œil.

(à visiter aussi : sendereando.com un formidable site non officiel proposant de nombreuses traductions qui permettront aux non-hispanophones de réaliser la beauté des textes de la chanteuse)

dimanche 3 janvier 2010

Épitaphe pour Ric Hochet


Tibet vient donc de nous jouer - à 78 ans- sa dernière kidordinnerie, après avoir infatigablement illustré, pendant plus d'un demi-siècle et essentiellement pour le journal Tintin, les aventures du cow-boy Chick Bill (écrites par lui-même, Duchâteau ou Greg, mais également par Goscinny et Rosy) et les enquêtes du détective Ric Hochet (imaginées par le même André-Paul Duchâteau).

Je me demande combien de personnes ont réussi à lire l'intégralité des cent-cinquante épisodes cumulés de ces deux séries-fleuves..? Pour ma part, j'ai bien dû en dévorer une quinzaine de chaque, à l'époque où père nous les ramenait de la bibliothèque, avant d'embrayer sur d'autres westerns comme Lucky Luke, Les Tuniques Bleues et Fort Navajo, et d'autres enquêtes, menées cette fois par Gil Jourdan, Ginger ou encore Sammy-de-chez-Dupuis-en-face.
Ouaip, le temps passe, les petits lecteurs grandissent et leurs goûts évoluent (plus ou moins)...
Comme Lambil ou Morris, Tibet était un de ces serial-dessinateurs, plus soucieux de contenter son jeune public, son éditeur (et son banquier !), que d'éviter le Top-Daube des sombres grincheux frustrés et rassasiés. Car si l'interminable liste des titres de Chick Bill (La Maison du Plus Fort, La Bonne Mine de Dog Bull, L'Homme qui a tempêté...) et de Ric Hochet (Le Disparu de l'Enfer, Le Double qui tue, Les Messagers du Trépas - brrrr...) pourrait presque paraître "pathologique" aux yeux de ces derniers, l'essentiel est qu'elle fasse encore rêver les plus petits, avides de nouvelles aventures.


Je me souviens en particulier des tout premiers et très mignons épisodes de Chick Bill (édités à l'époque en noir et blanc par Distri BD), où celui-ci, Petit Caniche, Dog Bull et Kid Ordinn (tout comme dans Popol et Virginie chez les Lapinos d'Hergé), n'étaient encore que des animaux anthropomorphes ; il est vrai que Tibet avait débuté chez Disney-Belgique ! Si vous avez des gamins en âge de lire, voilà un excellent alibi pour découvrir ou redécouvrir ces histoires.

Biographie de Tibet
(in Tintin Super-Jeunes, Lombard, 1985)

WANTED :
Tibet
& Morris

Dany, Duchâteau et Tibet

Enfin, et même si je devais m'apercevoir par la suite qu'il faisait apparemment toujours les mêmes dessins (ce qui reste finalement le moyen le plus efficace d'enrayer leur trafic), Tibet fut un des premiers auteurs que j'épinglai fièrement à mon tableau de chasseur de dédicaces, inaugurant ainsi, et malgré lui, une nouvelle liste, carrément pathologique cette fois-ci ! (dédicace à venir)

Les Diables à Quatre (Chick Bill t. 44)
Tibet/ Maurice Rosy (non crédité)
Lombard,1956/1987

Bonne année 2010 quand-même (ça commence bien...).

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Les photographies anonymes de la soirée organisée le 5 mai 1983 à Bruxelles pour les 30 ans de Chick Bill sont extraites du journal Tintin (n°407 du 28 juin 1983).