mardi 31 mars 2009

Un ours en hiver

Echappé de l'écurie Shampooing dirigée par Lewis Trondheim chez Delcourt, Daniel Blancou revient nous faire son cirque, mais cette fois-ci dans la collection dirigée par Gwen de Bonneval aux éditions Sarbacane.
Albert le magnifique est un beau petit livre cartonné dont la forme n'a rien à envier aux dernières productions des Bayou, KSTR et autres Futuropolis. Quant au fond, il n'est pas en reste non plus.

"Mon éditeur serait ravi que vous achetiez ma nouvelle bande dessinée,
pour ma part je voudrais surtout que vous la lisiez."

Daniel Blancou


Si César jouait le rôle d'Auguste dans Le Roi de la Savane, le rôle du clown blanc pourrait tout à fait être endossé par Albert, employé-costard-cravate modèle, bouffé par la société :
- celle, anonyme, où il travaille depuis des années dans un open-space aménagé à l'un des étages d'une tour en verre, mais qui l'éjectera comme un vulgaire pion le jour venu où sa productivité fléchira.
- mais également celle, avec un "S" majuscule, dans laquelle il mène sa petite existence bien réglée, obtempérant aux ordres d'une épouse-ménagère-modèle, remboursant son pavillon standard d'une proprette ville nouvelle plus policée et vidéo-surveillée que nature, au ciel balafré par les trainées des avions de ligne charriant les hommes d'affaires et les touristes "de masse".


Se retrouvant donc à la rue en plein hiver, à l'époque où les ours commencent à hiberner, Albert, lui, va au contraire sortir petit à petit de sa léthargie, ce d'autant qu'il se retrouve dans l'impossibilité de prendre les médicaments qui l'aident à supporter ce quotidien médiocre : il va ainsi finir par voir les barreaux de la cage dans laquelle on l'a enfermé.
Le comble, c'est qu'il est si efficacement formaté qu'il ne lui vient même pas l'idée de se révolter : non, c'est bien la Société qui ne l'accepte plus tel qu'il est !


Difficile d'en dire plus sans dévoiler l'intérêt du bouquin, sachez tout de même que pour le savourer pleinement, la lecture du Roi de la Savane, même si elle n'est pas obligatoire, est vivement conseillée.
Et tant pis pour ceux qui, rebutés par la sobriété du dessin de Daniel Blancou aux antipodes des canons de beauté marcinellois ou toulonnais, ne prendront pas la peine d'ouvrir ce bouquin : ils louperont une belle occasion de s'asseoir quelques minutes pour faire le point avec Albert et de sourire avec cette subtile histoire, certes un peu triste, mais contenant tout de même quelques graines d'optimisme, rassurez-vous.

samedi 28 mars 2009

Poulpe Fiction




Olivier Delabarre, alors qu'il était encore étudiant aux Gobelins aux côtés de Bastien Vivès et de Michaël Sanlaville (qui l'encourageaient à laisser tomber) ne pensait sans doute pas, le jour où il décida d'ouvrir un carnet de croquis de Peter de Sève, que cela allait perturber le cours de son existence.

En effet, c'est en tombant sur un dessin de pieuvre de l'illustrateur étasuinien des studios Disney que lui vint l'idée d'essayer d'animer en 3D la démarche de cet animal à huit "pattes" : son sujet de fin d'études était enfin trouvé.

Peter De Sève

Cette idée n'était pas si saugrenue car, quand on y réfléchit un peu (même à jeûn), on se rend vite compte que les céphalopodes ne courent ni les dessins animés ni les bandes dessinées.

Squiddly Diddly, Hanna-Barbera.

D'autres part, réussir à rendre expressive une face de poulpe relevait d'un triple défi : technique, artistique et humoristique.
C'est ainsi que naquit le projet Oktapodi, un (trop) court métrage d'animation 3D (deux petites minutes) enchaînant néanmoins gags et cascades à un rythme effréné, dignes de la course-poursuite athénienne du Casse de Henri Verneuil, mais cette fois-ci dans les ruelles d'une île paradisaque de l'archipel des Cyclades (mention spéciale au travail sur les reflets aquatiques).






Olivier Delabarre et ses cinq compagnons co-réalisateurs : Julien Bocabeille, François-Xavier Chanioux, Thierry Marchand, Quentin Marmier et Emud Mokhberi obtinrent donc fort logiquement leur diplôme.

Alice dans Donito tome 1, "La Sirène des Caraïbes", Dupuis, 1991.


Mais l'histoire ne s'arrête pas là puisqu'ils reçurent par la suite une douzaine de prix dans divers festivals aux quatre coins de la planète.
La récompense suprême fut une nomination aux Oscar au début de cette année 2009 !
On sait que la statuette en or fut finalement attribuée à "La Maison en Petits Cubes" du Japonais Kunio Kato...
Mais ce que ne dit pas l'histoire officielle, c'est le petit plaisir que s'offrit Olivier Delabarre lors de la cérémonie : dégainant son téléphone portable, il appela discrètement son pote Bastien Vivès resté en Europe :
"Allo, Bastien ?... Ouais, c'est moi ; ça roule ? Ouais, dis, ch'uis assis à côté de Pénélope Cruz, là... Si... Alors, t'as les boules ?".

Ça valait le coup de bosser aussi dur, non ?


On peut voir le film en meilleur qualité sur le site des Gobelins
D'autres films made in Gobelins.

mardi 24 mars 2009

Tintin à Madagascar (d'après Hergé)

Une impression de déjà-vu.

Commando Colonial, dont le premier tome "Opération Ironclad" est paru en août dernier, est une série écrite par Appollo, spécialiste des scénarios tropicaux, dessinée par Brüno, et mise en couleurs par Laurence Croix dont l'action se situe à Madagascar, alors colonie française, pendant la seconde guerre mondiale.

Cette série ravira tous les jeunes de 7 à 77 ans, en particulier ceux qui s'intéressent un tant soit peu à l'Histoire de la Grande Île.
Mais elle devrait également passionner tous les amateurs des aventures de Tintin et de son fidèle fox-terrier Milou.
Enfin, je pense.

Ah oui, tiens !
"Tintin et les Picaros", Hergé, Casterman

J'avais déjà tiqué sur certaines images, mais le billet d'Hobopok m'avait remis la puce à l'oreille : il me semble que certaines images ont été réalisées sous influence, non ? Qu'en pensez-vous, moussaillons ? Suis-je de mauvaise foi (auquel cas je présenterai toutes mes excuses aux auteurs) ?
Mme Totoche (groupie de Brüno), qui passe par là, me dit que c'est tiré par les cheveux et que ça devient n'importe quoi ici.
Mille millions de mille sabords, je deviens paranoïaque ou quoi ?
Dois-je arrêter le jokari blog ??
Quand est-ce qu'on mange ???

"Les Aventures de Rivière et Robillard", d'après Hergé.

"Les Cigares du Pharaon", Hergé, Casterman
(image piquée chez Raymond)

Totoche est-il victime de paramnésie ?, d'hallucinations visuelles ??? ... Ne manquez pas "Pirates dans la Bande", le prochain épisode des aventures de... Totoche.

(Une madeleine.)

lundi 23 mars 2009

Mort vivant ?

Le personnage de Mort Cinder fut créé en 1962 par Héctor German Œsterheld et l'immense dessinateur d'origine uruguayenne Alberto Breccia pour le lectorat argentin de la revue Misterix.
Ce "vagabond du temps" présente l'originalité d'être décédé à plusieurs reprises et d'avoir ressuscité autant de fois (bah ouais forcément, sinon, il n'aurait pas pu mourir plusieurs fois, vous me suivez ?).


Le dernier à avoir ouvert son cercueil fut l'antiquaire Ezra Winston, dont le portrait (qui est par ailleurs également l'autoportrait de Breccia) est représenté sur la couverture de cette superbe réédition française due au talent des éditions Vertige Graphic.

Enfin.., c'est ce qu'il était écrit dans tous les bons manuels sur le Neuvième Art jusqu'à ce jour...

Car en effet, un appel anonyme à la rédaction du Plan B(d) faisant état de rumeurs au sujet de profanation de tombes de héros de B.D. disparus a récemment titillé notre curiosité.

Après avoir envoyé nos plus fins limiers enquêter sur le blog de Pierre-Yves Gabrion (dont j'avais particulièrement apprécié en leur temps L'Homme de Java, Les Pensionnaires, Les Mémoires du capitaine Moulin-Rouge, etc.), nous sommes en mesure de vous affirmer (asseyez-vous) que Mort Cinder est de retour parmi nous !

Il aurait été effectivement aperçu dans les planches du Varan, à paraitre prochainement aux éditions Delcourt, comme en témoigne ces documents incroyables (mais vrais) :


Mort... de rire.

Pas con, le coup d'inverser les images, j'y aurais pas pensé .
Partez pas, y'en a encore :

Le Varan, Gabrion,
Delcourt, à paraitre en 2009

Mort Cinder 1 - Les Yeux de Plomb, Œsterheld et Breccia,
Vertige Graphic, déjà paru en 1999

Bon, j'arrête...
Je sais, c'est incompréhensible, d'autant que l'intégralité des planches est gentiment mise à disposition des internautes bédéphiles curieux !

Comme dit Vasco (dont nous respecterons l'anonymat) : cela ressemble à un canular.
Plus c'est gros, plus ça passe inaperçu ?
Après Brüno et sa reprise de Coke en Stock, habilement débusquée par Jicé de chez Hobopok Dimanche en face, on se dit qu'il y doit y avoir un concours en ce moment.

Allez... Suivant !

Addendum du 16/04/09 :

un album prémonitoire ?

dimanche 22 mars 2009

Blanco et papier calque


Je suis impressionné par l'extraordinaire mémoire visuelle d'Elouarn Blade, le tenancier du blog Clin d'oeil et bandes dessinées, qui y dissèque, image par image, de manière obsessionnelle, tous ses albums à la recherche de la moindre référence au "neuvième art".

Il s'agit la plupart du temps d'hommages plutôt gentillets entre confrères dessinateurs. Certains sont néanmoins plus caustiques, comme ce Spirou de Schwartz et Yann qui envoie valdinguer (pour la plus grande joie de notre blogueur) l'héroïne du Vol du Corbeau de Gibrat dans le décor.

Plus rarement, Elouarn, qui soit dit en passant ne mâche pas ses mots, nous sort un beau gros cas de plagiat. Ce fut le cas en janvier dernier avec ces images tirées du manga Blanco, par Jirō Taniguchi, récemment réédité par Casterman et directement tirée des Enquêtes de...

(à gauche : l'original, à droite : la copie)

(idem)

... Sam Pezzo par l'Italien Vittorio Giardino !

Comme ma mémoire à moi fonctionne également encore un petit peu, cela m'a tout de suite rappelé ceci :




Alors ??? Qui reconnaitra l'album (image du bas) où a été décalquée l'image du haut, tirée du premier tome du Chien Blanco, paru en 1996 ?

La réponse se trouve dans le n°14 d'Auracan (septembre-octobre 1996), mais n'en profitez pas pour tricher !


L'Homme qui marche et Quartier lointain font néanmoins partie des plus belles histoires en Bandes Dessinées que je connaisse, que cela ne vous décourage pas de les lire.

Réponse :

Bravo David. Ta mémoire visuelle n'a rien à envier à celle d'Elouarn.
Il s'agit bien du Port des Fous, le 13e tome de la série Bernard Prince. C'est le dernier de la série dessiné par Hermann. Je ne sais pas si cela consolera Giardino (qui signale par ailleurs de nombreux autres emprunts dans ce manga).
Tu ne gagnes rien (même pas mon estime que tu avais déjà).
... "Avec le lettrage"... Tssss... Et les yeux fermés ?

vendredi 20 mars 2009

Pepe casse sa pipe

" Et quand prenant ma butte en guise d'oreiller
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume
J'en demande pardon par avance à Jésus
Si l'ombre de ma croix s'y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume..."
(Georges Brassens)
Je venais tout juste de faire l'acquisition de mon premier Vampirella la semaine dernière, bien décidé à combler des années de frustration. Le Catalan Jose "Pepe" Gonzalez en a lâchement profité pour passer l'arme à gauche ; quel manque de savoir vivre.


Une galerie remplie de Pepe ici.

"Vampirella",
Jose Gonzalez
, Archie Goodwin, Flaxman Loew,
éditions du Triton, 1980.

mercredi 18 mars 2009

Aux sources d'Arzach

comics 130 couverture moebius
Les grands écrivains de Science-Fiction comme Isaac Asimov sont parfois considérés comme de véritables visionnaires. Mais les dessinateurs du genre ne sont souvent pas en reste.
Voici par exemple cette incroyable interview de Raymond Poïvet, réalisée par Jean-Pierre Dionnet en 1971 pour le cinquième numéro du fanzine Comics 130 édité par les jeunes éditions Futuropolis (soit un an avant leur création, si l'on en croit Wikipedia !), sur laquelle je suis tombé récemment.

- Primo, il prévoit le succès de Blaise pratiquement quarante ans avant sa parution en album :

Jean-Pierre Dionnet : (...) Que pensez-vous de la bande dessinée ?
Raymond Poïvet : La bande dessinée est un art primaire, fait de conventions. Il ne faut pas demander d'efforts aux lecteurs, mais leur donner la facilité. D'ailleurs, le lecteur moyen se moque éperdument de la façon dont une bande dessinée est construite ; il préfère le roman-photo plus près de la réalité. La bande dessinée doit évoquer quelque chose, c'est ce qui importe pour le lecteur, mais il se désintéresse du dessin ; «Dick Tracy», par exemple, est un code : les méchants ont une sale tête, etc. . . Le lecteur sait d'emblée dans quelle catégorie rentre un personnage.
Dionnet : Vous croyez donc à une supériorité du roman-photo sur la bande dessinée par rapport au lecteur moyen ?
Poïvet
: Bien sûr, beaucoup de lecteurs préfèrent le roman-photo, plus vrai. Il faut dire d'ailleurs que la force du dessinateur étant la création, s'il se contente de reproduire fidèlement, une bonne photo est préférable.
Dionnet : Cela paraîtra monstrueux à certains ...
Poïvet
: Regardez dans l'histoire de la bande dessinée, l'histoire des bulles a paru monstrueuse aux grandes personnes habituées au texte sous l'image. . .

- Secundo, le dessinateur des Pionniers de l'Espérance prédit l'invention du baladeur numérique et du livre numérique avec trente ans d'avance :

Dionnet : Vous faites donc partie de ceux pour qui la bande dessinée classique telle qu'on la conçoit actuellement est condamnée ?
Poïvet
: Oui, et la supériorité de la bonne bande dessinée sur le roman-photo n'empêchera rien. Par exemple, les graveurs sur bois : ils pensaient que la photo ne valait pas grand-chose et croyaient que leur métier durerait encore longtemps. Il n'y a plus de graveurs sur bois... Un autre exemple, j'ai été dessinateur de mode. Lorsque sont apparues les premières photos de mode, nous avons ri : c'était laid et terne. Or, les photographes de mode ont eu raison des dessinateurs bien que beaucoup de toilettes étant jolies sur une femme dessinée devenaient importables sur une femme en chair et en os.
Dionnet
: En résumé, comment voyez-vous l'avenir de la bande dessinée ?
Poïvet
: Je vois la disparition du livre. Bien des gens ne peuvent l'imaginer ; même en prenant l'intermédiaire du livre dessiné avec écouteurs pour la lecture. Nous allons vers un monde de l'image, le texte demandant un effort de compréhension doit disparaître. Pensez aux petits cirques qui passaient une ou deux fois l'an dans les villages ; c'était la fête pour les habitants du pays qui en parlaient toute l'année. Maintenant, ils appuient sur le bouton de leur téléviseur et peuvent regarder sans effort les émissions de Gilles Margaritis qui présentent des numéros bien meilleurs que les petits cirques qui sont condamnés.


- Tertio, on découvre que Poïvet avait fait son "Arzach" dès 1964, soit 11 ans avant Mœbius (qui signe d'ailleurs, cela n'aura échappé à personne, la couverture du zine) :

mix 315 poivet comics 130"Allo ! Nous avons retrouvé "M.I.X."315 ! Il est vivant nous allons le sauver !!! "
in Comics 130 n°5, Futuropolis, 1971
(N.B de Raymond Poïvet : Je tiens à signaler qu'avec le recul du temps, cette bande dessinée ne peut être valable que sur le plan "historique" de la B.D., en effet, elle a été réalisée en 1964. Elle n'est plus justifiée en 1971, vu ce qui se fait actuellement.)

Dionnet : Pourquoi avez-vous fait un jour une histoire sans parole ?
Poïvet
: Parce que je voulais me faire plaisir en faisant des images sans texte, sans contrainte. C'était un besoin de défoulement. Ainsi, je me libérais du scénariste, non pas que je sois contre le texte mais je suis contre son abus ; chez les scénaristes, je réprouve également le goût de la redondance : c'est ridicule de faire dire à un personnage qu'il fait beau et qu'il est dix heures quand le dessin est composé d'un réveil marquant dix heures et qu'il y a un soleil radieux.

(...)
Dionnet
: Revenons à cette histoire sans parole et à son pourquoi.
Poïvet
: Après avoir lu des tonnes de choses inutiles comportant bon nombre de répétitions, j'ai donc eu envie d'images sans texte, mais j'avais une petite idée derrière la tête : montrer cette histoire à des scénaristes pour leur faire mettre un texte.
Dionnet
: Toujours votre méfiance envers le texte...
Poïvet
: Je suis anticonformiste par conformisme. La plupart des scénaristes «pondent» par principe. Contrairement à ce que l'on peut penser, je suis fidèle au texte mais s'il n'y a rien dans un texte et qu'il y a une grande image, je suis tenté de trahir un peu la bande. Il faut que le dessin et le texte soient indissociables. II ne faut pas que l'un trahisse l'autre.
Dionnet
: Mais dans cette histoire, l'absence de texte crée une situation différente ?
Poïvet
: Oui, elle oblige le dessin à suffire à ce que l'on désire exprimer.
Dionnet
: Vous avez réalisé cette histoire en 1964. Il y a eu depuis plusieurs tentatives de ce genre aux Etats-Unis. Pensez-vous que cela soit intéressant et qu'il faille faire d'autres tentatives dans ce sens ?
Poïvet
: Bien sûr.


Dingue, non ?
Je suis scié.
Pas vous ?

interview dionnet poivet comics 130 part 1
interview dionnet poivet comics 130 part 2

lundi 16 mars 2009

Mal à l'aise, Blaise


C'est en passant par hasard devant la vitrine d'une librairie généraliste (la Friche) qui présentait quelques unes de ses bonnes feuilles que j'ai découvert Blaise du Strasbourgeois Dimitri Planchon.


Ne lisant qu'exceptionnellement Fluide Glacial (où il n'a pas été retenu par Thierry Tinlot) et l'Écho des Savanes dans lesquels certains gags furent pré-publiés, j'étais passé complètement à côté de cet O.B.D.N.I malgré sa couverture sur fond jaune pétant et quelques notices (certaines le comparant à Pierre La Police) qui lui ont été consacrées dans la presse spécialisée.

Il faut dire que la couverture délibérément d'assez mauvais goût (mais néanmoins réellement enlaidie par une jaquette au vilain logo "40 ans découvertes") avec ce gros plan mal cadré sur cette tête de nœud écrasée par ce phylactère à la typographie lourdingue est assez peu commerciale, d'où vraisemblablement, son absence de visibilité chez Auchan ou Album (Pas d'épée + pas de string = Pas de tête de gondole, faut pas déconner non plus).

Et ce n'est pas la beauté des dessins qui va rattraper le coup puisque des dessins, justement, il n'y en a pas, Dimitri Planchon préférant utiliser la technique du roman-photo-montage bien ringarde bien qu'assistée par ordinateur, collant méticuleusement mais maladroitement (on jurerait qu'il le fait avec ses pieds) des bouts de photos pour composer, tel un Frankenstein dadaïste échappé de l'asile, sa galerie de personnages.


Blaise, c'est un brave gosse âgé de sept-huit ans, un peu mou, coiffé comme un Kiki (mais siiiiii, rappelez-vous, "Kiki, le Kiki de tous les Kikis" !) à qui il n'arrive rien d'extraordinaire. Il n'est ni plus malin, ni plus bête, ni plus moche (quoique) que la moyenne. Il est juste là, passif, à écouter ce qui se dit autour de lui, sans juger, sans rien remettre en question, tel un enfant bien sage, buvant les paroles de ceux qui lui sont le plus cher au monde.
C'est un peu moi à son âge, les carreaux en moins sur le pif.

Mais heureusement pour Dimitri Planchon, son insignifiant Blaise est entouré d'assez beaux spécimens de crétins.
Il évolue, pour notre plus grand bonheur, dans un environnement assez médiocre, subissant quotidiennement les petites réflexions humiliantes de ses parents, enregistrant chaque remarque raciste, insidieuse ou non, de sa grand-mère, ou apprenant à respecter et craindre l'autorité grâce à son institutrice.


Tout n'est pas négatif : il y a la télévision pour rêver avec les émissions de télé-réalité et se formater grâce au J.T et aux spots publicitaires. Il y a également les beaux discours d'un Président de la République plus vrai que nature ainsi que les interviews d'un Dabi Doubane, (personnalité préférée des Français) à la solde des annonceurs, qui sont là pour parfaire son éducation.
Non, tout n'est pas perdu pour lui.

Ainsi, Blaise grandit, écoute, absorbe, retient silencieusement.
Il apprend à devenir adulte... à nous ressembler.

Ça fout la trouille, mais qu'est ce qu'on rigole !

samedi 14 mars 2009

Dernière Surprise-Partie

alain bashung rouen armada 2008





"Le Tango Funèbre"
de
Jacques Brel et Gérard Jouannest
(extrait de
"Aux Suivant(s)" ) .


aux suivant(s)

vendredi 13 mars 2009

Coquillette

Une bande dessinée qu'on doit pouvoir lire aux cabinets, s'y j'en crois cette publicité découverte dans le n° 1550 de Métro daté d'hier :

Pico Bogue Metro publicité gang des talentsGaranti sans trucage.

On sent bien que le type qui a fait la pub savait de quoi il parlait.

Un "G" n'est pas un "B", messieurs-dames du Gang des Talents. Un peu de rigueur, que diable ! Je sais bien que Pico Bogue est coiffé comme une balayette à chiottes, mais que diriez vous si l'on transformait votre "Gang" en "Bang" ?
Ah, ça y est, je m'emporte.

Enfin, j'aurai au moins appris ce qu'est un "rack" : en fait un banal râtelier. (Ah oui, tout de suite, ça fait moins sexy.)

(On peut découvrir les premiers strips de Pico Bogue chez Mundo BD)

mardi 10 mars 2009

Opération Condorito


D'après notre correspondant permanent au Chili, l'équipe du professeur Jaime Galo, de l'Université de Santiago, serait parvenue à démontrer le rôle joué par les épinards dans les syncopes vagales du condor des Andes (vultur gryphus).



Cette découverte devrait permettre de mieux comprendre le mal mystérieux qui, depuis les années 50, frappe le sympathique charognard cher aux ornithobédéphiles, ainsi que tous ceux qui s'en approchent, comme le montrent les atroces images ci-dessous (âmes sensibles s'abstenir).





Une information de Meliwarén (el sitio del cómic en Chile).

lundi 9 mars 2009

Les mésaventures d'une jeune fille comme il faut... ou les plaisirs du XXIXe siècle.

2008  exposition cité de la musque stefan de jaeger portrait de serge gainsbourg
Si l'exposition Gainsbourg présentée à Paris par la Cité de la musique a reçu un accueil mitigé de la part de certains critiques, elle aura en revanche été plébiscitée par le public, accueillant plus de 100.000 visiteurs en quatre mois. Prolongée de 2 semaines, elle fermera ses portes le 15 mars avant de s'envoler pour São Paulo.

ou es tu melody gainsbourg iusse
Il est vrai que la scénographie originale voulue par le commissaire Frédéric Sanchez aura pu apparaitre un peu bordélique aux yeux (et oreilles) des "rats de musées" habitués à des parcours plus "pédagogiques", mais qu'elle aura à l'inverse certainement su séduire les inconditionnels du zapping ou du surf sur Google-image.


Le système de "totems thématiques" (en fait des piliers où s' entassent pêle-mêle des écrans lumineux présentant photographies, illustrations et vidéos) habillés de "douche sonores" m'a paru - il est vrai - assez peu adapté à un espace aussi exigu que la salle d'exposition située au sous-sol de l'institution de la Porte de La Villette : les textes des chansons de Gainsbourg lus par divers interprètes et proches du chanteur se superposant aux sons issus de ces poteaux enluminés censés aboutir à une "composition sonore spatialisée", on aboutit plutôt, le brouhaha ambiant aidant, à une espèce de cacophonie migrainogène, et il faut vraiment se concentrer pour réussir à suivre plus de cinq minutes, planté debout devant un de ces petits écrans, un des nombreux documents audiovisuels présentés issus des archives de l'INA.
En somme, c'est un peu comme quand on va à la campagne rendre visite à ses vieux parents qui présentent un début de surdité et qu'on essaie de se parler d'une pièce à l'autre avec, en fond sonore, le poste de radio et les deux téléviseurs allumés en même temps, volume à fond (et je ne vous dis pas quand il y a les nièces qui braillent...).

forest marie mathématique
Mon intention n'est bien évidemment pas d'entrer dans un débat du genre"Faut-il donner au public ce qu'il attend pour le faire venir au musée ?" mais tout simplement d'attirer votre attention, si vous visitez cette exposition, sur un de ces fameux totems (le cinquième à gauche en entrant, si mes souvenirs sont bons) qui m'a permis découvrir une bien jolie héroïne de papier dont le créateur graphique n'est autre que Jean-Claude Forest, le créateur de Barbarella, Hypocrite et autre Bébé Cyanure.


Marie Mathématique, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, fut officiellement présentée lors de sa première programmation comme "la première héroïne TV de science fiction". Elle vécut des aventures sidérales le temps de six courts métrages d'environ cinq minutes chacun diffusés mensuellement dans l'émission Pim, Pam, Poum Dim Dam Dom, du 28 octobre 1965 au 29 avril 1966. Il y est efectivement brièvement fait allusion dans "L'Art de Jean-Claude Forest" des éditions de l'An 2, paru en 2004, mais il me semble que ces épisodes n'ont jamais été rediffusés depuis.


L'exposition répare donc cet oubli en présentant l'intégralité de cette hexalogie réalisée par Jacques Ansan : "Marie Mathématique à (a ?) 16 ans", "Des bestioles encore des bestioles", "A l'abordage", "Un mal qui répand la terreur", "Marie Mathématique franchit la porte défendue" et "Week-end à la mer". À noter qu'une projection fut même organisée le 26 octobre 2008 à la Cité de la musique.

forest marie mathématique 2"Albaaator, Albaaaaaator..."

Il ne s'agit en fait pas de dessins animés au sens strict du terme mais plus précisément de "dessins découpés animés" (technique chère à Michel Ocelot (Gédéon, Kirikou...)) qui furent spécialement créés pour l'occasion par Jean-Claude Forest.
Les textes, écrits par son propre beau-frère, l'écrivain André Ruellan, sous une forme poétique fixe médiévale, le virelai, étaient ensuite interprétés par Serge Gainsbourg qui avait été approché par la productrice Daisy de Galard.


Le résultat est certes un peu statique et chaotique, et fait évidemment un peu cheap aujourd'hui.
C'est sûr, on est plus proche techniquement des Shadoks que de Wall-E. Comme dirait tonton Michel, "on voit bien que c'est fait à la main".
Mais justement, je trouve que le côté "bricolage" accentue la poésie des dessins et des textes. Un peu comme un petit meuble branlant, bancal, mais finalement attachant qu'un bricoleur du dimanche aurait fabriqué lui-même avec les moyens du bord.
Par ailleurs la bande son, que je ne connaissais pas non plus, est vraiment originale (ce n'est pas du Gainsbourg "commercial") et préfigure même à mes oreilles l'Histoire de Melody Nelson.
Je suis étonné que des éditeurs comme Nocturne ou l'Association ne semblent pas s'être encore intéressés à l'édition d'un DVD ou d'un CD avec livret.


On sait que Gainsbourg était une vraie éponge (culturelle s'entend) et que de Fernand Léger à Bob Marley, en passant par Boris Vian, Paul Klee, Antonín Dvořák, Frédéric Chopin, Salvador Dalí, Sid Vicious..., ses influences furent nombreuses.
Sa culture BD n'était pas en reste, comme en témoignent les nombreuses références aux petits miquets parsemées dans "Qui est in, qui est out" (hommage suprême à la Barbarella de Forest), "Roller Girl", "Comic Strip", "Charlie Brown", "Panpan Cucul", Marilou sous la neige" et bien entendu le fameux "Mickey Maousse", comme le rappelle Benoît Mouchart dans un passionnant article intitulé "Gainsbourg bédéphile ?".

black out armand gainsbourg
Enfin, pour terminer, vous saviez certainement que Gainsbourg avait signé de son vivant le scénario d'une bande dessinée intitulée "Black out" et illustrée par Jacques Armand mais cet article vous apprendra ou vous rappellera également qu'Evguénie Sokolov, le héros du seul roman écrit par Gainsbarre est non seulement pétomane mais également... dessinateur de bande dessinée (l'histoire ne dit pas s'il se nourrit de chili con carne) !


À lire également, une interview de Gainsbourg par Philippe Manoeuvre réalisée pour Métal Hurlant en 1987.

Je vous laisse avec cette version de Brigitte "Barbarella" Bardot évoluant dans des décors psychédéliques de Tito Topin, plus proches de ceux de Pellaert que de Forest.