
En mai 2006, dans la belle démocratie des États Unis d'Amérique, le soldat Jared Guinther, était rendu à la vie civile.
Ce jeune homme de 18 ans, originaire de Portland, Oregon, avait pourtant été jugé apte par les services recruteurs pour servir comme éclaireur de cavalerie, une des affectations les plus dangereuses de l'armée.
Et pas pour rigoler, hein ... puisque c'était pour servir de chair à canon en Irak.
Une prime de 4.000 $ cash et une autre de 67.000 $ pour ses études lui avaient été promises afin de convaincre ce jeune aventurier de signer le petit contrat d'embauche qu'on lui proposait...
Seul petit détail qui avait échappé à ces étourdis de sergents et médecins recruteurs... : Jared est autiste depuis l'âge de 3 ans, appuyant sur des boutons pendant des heures, s'amusant avec le même jouet durant des jours entiers. Ce brave garçon est même effrayé par le bruit de la tondeuse à gazon et panique dès que l'on tire la chasse d'eau ...
Pas un problème pour nos sympathiques amis militaires, puisqu'en dépit de son handicap, Jared passa avec succès les tests de recrutement, obtenant plus que le minimum requis pour être engagé (ça rassure ...).
De toutes façons, il n'était même pas au courant qu'il y avait une guerre en Irak (non, je ne déconne pas : vous pouvez allez vérifier ces informations sur le site d'ABC news ou de CBS news par exemple !)
On plaint les pauvres recruteurs qui doivent avoir sacrément la pression pour sacrifier de nouvelles recrues à la gloire de George Deubeliou.

Le génial Kyle Baker a eu le courage, dans ce pays bien pensant, de tirer une histoire de cette "anecdote". Contrairement à ses précédentes créations, le comic-book "Special Forces" ne sera néanmoins pas auto-édité, mais publié par la maison Image Comics.
Adoptant, une fois de plus, pour cette histoire, un nouveau style n'ayant rien à voir avec les précédents, sa patte géniale reste néanmoins immédiatement identifiable.
Plus sombre que "Why I hate Saturn" ou "The CowBoy Wally Show", plus encré que les exceptionnels "I die at Midnight", "King David" et "You are Here", forcément plus grave que "Plastic Man" ou "The Bakers", "Special Forces" se rapproche peut-être plus du noir, au propre comme au figuré, "Nat Turner" , inspiré de cet esclave qui fomenta une rébellion en Virginie en 1831.
"Special Forces" nous plonge d'emblée en plein combat de rue.
Le temps, qui ne veut pas s'écouler dans ce genre de moment, est distendu à l'extrême : l'épisode narré dans le premier numéro doit durer une, deux ... allez, cinq minutes à tout casser ! Les dialogues fusent comme des balles traçantes, le trait est rapide, aiguisé, (plus "Kubertien" ???) : on n'a pas le temps de trainer ...

Et pour ceux qui n'auraient pas encore compris les horreurs de la guerre, édulcorée par les journaux télévisés étasuniens, le réveil va être brutal ! : quand on prend une bastos dans le cigare ou dans le buffet chez Kyle Baker, on en voit tout de suite les conséquences... Pas besoin d'aspirine !
Comme le dit si bien Felony, l'héroïne :"La douleur devient votre amie".

Mais là, on n'est pas pour vanter les mérites de l'armée, comme dans les P.S magazines, illustrés de main de maître par Will Eisner, ni pour rigoler, comme dans M.A.S.H, même si l'humour désespéré pointe son nez de temps à autre : on comprend vite que la petite patrouille va salement morfler ... Il n'y a aucune raison pour que n'importe quel type normal se sorte de cet enfer ... Un type "normal", oui... Mais un type "anormal"?... Autiste ?...
C'est ce qu'on devrait savoir dans le second épisode.
Mais comme je n'ai pas réussi à me le procurer, je me fais bien du souci pour la belle Felony et son compagnon d'infortune, l'autiste Zone ...

Le blog de Kyle Baker.
Le site de Kyle Baker.
Nat Turner sur Wiki.