Jack Cole est un dessinateur de l'Âge d'Or du comic-book américain, né en 1914 à New Castle (Pennsylvanie). Le principal exploit de jeunesse de ce courageux entêté fut de réaliser le trajet aller-retour en bicyclette jusqu'à Los Angeles (11265 km) !
C'est en août 1941 qu'il eut l'idée de génie de créer, dans "Police Comics", un personnage secondaire appelé Plastic Man dont le corps, tel un Barbapapa, se déformait à volonté (court, long, carré ...), prenant, tel un Mortadelo, autant d'apparences diverses (mince, gros ou rond ...) que la situation l'exigeait ... Pratique pour les scénarii !
Devenant rapidement populaire, "Plas" obtint sa propre série en 1943.
Je n'ai jamais accroché à ces histoires de Super Héros en collant, alors pourquoi parler de celui-ci ?
Je tombai lors d'une de mes dernières visites dans une librairie spécialisée dans les comics US sur un drôle de petit bouquin aux coins arrondis et à la couverture non pas plastifiée, mais carrément "en plastique", consacré à l'œuvre de ce prestigieux dessinateur.
Je fus d'autant plus intrigué qu'à côté d'un certain Chip Kidd apparaissait sur la couverture le nom d'Art Spiegelman en personne. Cette monographie parue en 2001 reprenait et complétait en fait un article de ce dernier, paru en 1999 dans le New Yorker.
Et comme de surcroît le créateur pulitzerisé de "Maus", dont on a pu découvrir l'amour des comics primitifs US dans "À l'Ombre des Tours Mortes", écrivait que "Plastic Man était un Super Héros qu'on pouvait aimer", j'étais couvert pour justifier mon achat !
Je découvris ainsi, avec cette drôle de série, une espèce d'anti Iron-Man (qui envahissait à l'époque nos salles de cinéma) qui, lui, ne se prenait surtout pas au sérieux.
Les super-pouvoirs acquis par ce gangster repenti en tombant malencontreusement dans un tonneau contenant un mystérieux acide lors d'un braquage ayant mal tourné servaient en fait uniquement de prétextes à de nombreux gags réalisés par ce dessinateur exceptionnel, si perfectionniste qu'il écrivait, dessinait, encrait, lettrait, et coloriait même parfois ses histoires, ce qui devait être assez exceptionnel à l'époque aux États-Unis.
Le délire incessant entretenu dans ces pages surchargées de textes et d'images, à la fois riches en action et en gags, et les nombreux rebondissements (normal ...) de ses histoires, ont fait dire de Jack Cole qu'il n'était ni plus ni moins que le chaînon manquant entre Will Eisner et Harvey Kurtzman. Le mouvement imprimé dans ces pages donne parfois tellement le tournis qu'on pourrait se croire dans un dessin animé de Tex Avery ! Son inventivité fait même, pour Art Spiegelman, jeu égal avec Krazy Kat et Little Nemo !
Cette superbe monographie nous rappelle également que Jack Cole créa le magazine "True Crime Comics", ce qui lui valut des ennuis avec la censure, ainsi qu'un strip vaguement autobiographique intitulé "Betsy and me" pour la presse quotidienne.
Mais Jack Cole reste surtout connu pour ses voluptueuses pin-up créées pour le magazine Play Boy de Hugh Efner dont il fut un ami très proche, comme en témoigne une des deux lettres qu'il écrivit juste avant de se tirer une balle en pleine tête un triste jour d'août 1958 ...
On rappelle enfin que plusieurs dessinateurs ont repris l'inoxydable Plastic Man, dont le génial Kyle Baker, et qu'en France, les Humanoïdes Associés ont édité en 1984 un recueil de ses aventures dans la collection Xanadu.
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Jeu :
Sauras-tu retrouver notre sympathique ami que le dessinateur a malicieusement caché dans les deux cases ci-dessous ?
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A découvrir sans faute si ce n'est déjà fait :
- "Jack Cole and Plastic Man" par Art Spiegelman et Chip Kidd, 2001, Chronicle books.
- "The Classic Pin-Up Art of Jack Cole" par Alex Chun, 2004, Fantagraphics books.
On peut également voir quelques couvertures inégales de Plastic Man, par différents dessinateurs, sur Cover Browser.
7 commentaires:
Plastic Man a toujours eu une excellente réputation, et c'est probablement pour cela que Dionnet a publié quelques épisodes en français. Les scénarios sont assez standarts (dans mes souvenirs) mais c'est le dessin, d'une inventivité spectaculaire et proche de la parodie, qui en fait tout l'intérêt.
J'ai acheté l'album français à l'époque, mais les planches sont en noir et blanc, et je trouve que le dessin y perd un peu.
Jack Cole me fait beaucoup penser à Jacoviti, car on y trouve le même coktail de récit d'aventure (au premier degré), d'humour bon enfant et de délire graphique. A mon goût, ce n'est pas vraiment un chef d'oeuvre, mais c'est un comic book que l'on peut lire sans ennui, et c'est déjà pas mal !
En tout cas, merci pour toutes ces références que tu donnes sur Jake Cole. Il faudra que je m'y réintéresse :-)
Il y a quand même plus de saucissons chez Jacovitti :-)
Ce qui m'a étonné également, c'est que Plastic man est de 10 ans antérieur à la création de Mad par Kurtzman !
Je trouve que cela n'est pas évident quand on regarde ces pages.
Il faut peut-être le restituer dans le contexte de l'époque (que j'avoue ne pas très bien connaitre) pour mieux apprécier le génie de Jack Cole ...
Je pense également qu'on peut faire confiance à Spiegelman ...
Le contexte de l'époque, c'est le Capitain Marvel de C.C. Beck, Sandman de Jack Kirby ou le Batman de Bob Kane (sans compter Superman). Tout cela est assez "sérieux" et premier degré. On peut relire ces BD par intérêt "archéologique", mais il faut avouer que ce n'est sinon pas très passionnant.
Plastic Man reste intéressant par son extrême fantaisie. On ne rit pas de la BD elle-même, mais des clins d'oeil ou des idées de Jack Cole. Il y a donc dans cette série un second degré qui lui a permis de bien vieillir.
Mais cela ne vaut quand même pas MAD.
Plastic Man/Mister Fantastic (Reed Richard), Stan Lee copieur ? Et Ben !…On en apprend de belles ici !
On peut aussi citer Elongated Man, Doudou la femme en caoutchouc et le Gaston-Latex !
:-)
Je ne connaissais pas ce Jack Cole, terrible.
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