mardi 31 mars 2009

Un ours en hiver

Echappé de l'écurie Shampooing dirigée par Lewis Trondheim chez Delcourt, Daniel Blancou revient nous faire son cirque, mais cette fois-ci dans la collection dirigée par Gwen de Bonneval aux éditions Sarbacane.
Albert le magnifique est un beau petit livre cartonné dont la forme n'a rien à envier aux dernières productions des Bayou, KSTR et autres Futuropolis. Quant au fond, il n'est pas en reste non plus.

"Mon éditeur serait ravi que vous achetiez ma nouvelle bande dessinée,
pour ma part je voudrais surtout que vous la lisiez."

Daniel Blancou


Si César jouait le rôle d'Auguste dans Le Roi de la Savane, le rôle du clown blanc pourrait tout à fait être endossé par Albert, employé-costard-cravate modèle, bouffé par la société :
- celle, anonyme, où il travaille depuis des années dans un open-space aménagé à l'un des étages d'une tour en verre, mais qui l'éjectera comme un vulgaire pion le jour venu où sa productivité fléchira.
- mais également celle, avec un "S" majuscule, dans laquelle il mène sa petite existence bien réglée, obtempérant aux ordres d'une épouse-ménagère-modèle, remboursant son pavillon standard d'une proprette ville nouvelle plus policée et vidéo-surveillée que nature, au ciel balafré par les trainées des avions de ligne charriant les hommes d'affaires et les touristes "de masse".


Se retrouvant donc à la rue en plein hiver, à l'époque où les ours commencent à hiberner, Albert, lui, va au contraire sortir petit à petit de sa léthargie, ce d'autant qu'il se retrouve dans l'impossibilité de prendre les médicaments qui l'aident à supporter ce quotidien médiocre : il va ainsi finir par voir les barreaux de la cage dans laquelle on l'a enfermé.
Le comble, c'est qu'il est si efficacement formaté qu'il ne lui vient même pas l'idée de se révolter : non, c'est bien la Société qui ne l'accepte plus tel qu'il est !


Difficile d'en dire plus sans dévoiler l'intérêt du bouquin, sachez tout de même que pour le savourer pleinement, la lecture du Roi de la Savane, même si elle n'est pas obligatoire, est vivement conseillée.
Et tant pis pour ceux qui, rebutés par la sobriété du dessin de Daniel Blancou aux antipodes des canons de beauté marcinellois ou toulonnais, ne prendront pas la peine d'ouvrir ce bouquin : ils louperont une belle occasion de s'asseoir quelques minutes pour faire le point avec Albert et de sourire avec cette subtile histoire, certes un peu triste, mais contenant tout de même quelques graines d'optimisme, rassurez-vous.

5 commentaires:

david t a dit…

c'est vraiment idiot que sarbacane soit aussi mal diffusé par chez moi parce que j'aimerais bien le lire, celui-là.

Totoche a dit…

Tu n'as pas fait tes emplettes à Angoulême ?

Raymond a dit…

C'est un bel album, que j'ai déjà repéré ... mais pas acheté. Ben non !
Maintenant, cela me tente un peu plus :-)

david t a dit…

@totoche: oui mais idiotement j'ai omis de me procurer celui-là... faut dire que l'offre ne manquait pas, à angoulême, et que mes moyens ne sont pas illimités. chez sarbacane, j'ai quand même pris le commissaire toumi d'anouk ricard (qui est très drôle, je le conseille à tous). bon, on me dit que cette diffusion déficiente pourrait s'améliorer, d'ici là je croise les doigts.

Hobopok a dit…

Lecteur de BD : le plus beau métier du monde juste après dresseur d'ours.