
C'est en 1995 que le Catalan
Manel Fontdevila (Une vie de Saint enluminé par Alfonso López, édité Fluide Glacial en 1996-), alors trentenaire, entreprend de raconter sous la forme de gags en une page, sans complexe ni tabou, la vie quotidienne d'un jeune ménage constitué par
Emilia, prof de gym de son état et
Mauricio, livreur de pizzas à ses heures.
La Parejita, S.A. parait depuis régulièrement dans l'hebdomadaire satirique espagnol
El Jueves, dont
Manel Fontdevila fut un des rédac'chef, et qui serait un peu l'équivalent en France d'un mix entre
Fluide glacial et
L'Écho des Savanes, mâtiné d'un soupçon de
Charlie Hebdo. En effet, l'équipe d'
El Jueves n'a pas peur de se frotter à des sujets qui fâchent comme la politique du gouvernement, les frasques de l'E.T.A. ou bien celles de la famille royale, ce qui valut à certains de ses membres
(dont M.F.) la joie de connaître
des tribunaux espagnols.
Toute la finesse d'El JuevesBien que les tribulations des deux tourtereaux s'inspirent de la propre vie de couple de l'auteur, nombreux sont les lecteurs ibériques à se reconnaître dans ce petit brin de bonne femme portant la culotte ou dans cet ado attardé ayant une fâcheuse tendance à se laisser vivre. Il faut dire que, sans être non plus dans "l'Espagne d'en bas", les préoccupations de Mauricio sont souvent plus terre-à-terre, moins "intellectuelles", que celles de
Mr Jean, notre bobo national préféré
.
Plébiscitée par le public,
La Parejita, S.A. aurait
(je n'en suis pas certain) même été adaptée en dessin animé pour la télévision.

Hélas et à moins que je ne dise des conneries, la série n'a toujours pas franchi les Pyrénées. Le mode de vie "à l'espagnole" serait-il trop éloigné du "modèle français" pour séduire éditeurs et lecteurs francophones ?

Même s'il ne fait pas toujours dans la dentelle
(il en faut bien plus pour choquer les lecteurs d'El Jueves dont la finesse n'est pas forcément non plus la spécialité...), c'est toujours avec une grande tendresse que
Manel Fontdevila observe ses amoureux se débattre pour survivre
dans leur milieu. Malgré l'usure du temps, le couple tient bon et
Emilia et
Mauricio connaitront même un heureux évènement, juste en même temps -ah ben dis donc ça alors c'est dingue- que l'auteur et sa compagne !
Ainsi, La Parejita, S.A. n'est pas qu'un fade alignement de gags-gros-nez de plus, mais bien l'occasion pour
Manel Fontdevila de réaliser une véritable satire sur la société des années 1990-2000, comme il le fait en parallèle, avec une rigueur scientifique, dans
¡Para ti que es joven !, deux pages satiriques hebdomadaires co-signées avec son son compère
Albert Monteys, toujours dans les pages d'
El Jueves.

Même si le
rapprochement que font certains avec
Le Retour à la Terre de
Ferri et
Larcenet est bien vu, je préfère personnellement imaginer
La Parejita, S.A. comme le croisement improbable, par un rédac'chef qui aurait pété les plombs, entre un family-strip pépère à la
Boule et Bill et un
Titeuf, plus trash.
©Manel Fontdevila/PúblicoTout comme
Alfonso López, l'inusable
Manel Fontdevila exerce également ses talents de caricaturiste pour le journal
Público. Les hispanophones peuvent lire leurs cartoons respectivement
ici et
là.
Yellow Kid
La plupart des albums de
Manel Fontdevila paraissent logiquement chez l'éditeur
El Jueves.
Je ne connais malheureusement pas
Súper Puta (probablement plus "ardu"), qu'édite Glénat-Espagne et dont les somptueux dessins aperçus sur la toile laissent deviner l'admiration que voue
Manel Fontdevila au dessinateur français
Blutch.