
(supplément-pirate au
billet du 12 juin du
Blog de Li-An)
En 1987, mon âge d'or spiroutien à moi était terminé depuis un moment :
Yann et
Conrad avait été virés en 1982 et le
Spirou de
Chaland non retenu la même année, celui de
Tome et
Janry confondait désormais grand guignol et aventure humoristique.
Les si belles unes pour lesquelles les dessinateurs donnaient autrefois le meilleur d'eux-mêmes n'étaient plus que de banals agrandissements quand il ne s'agissait pas d'immondes montages (ne parlons même pas des animations de couvertures jadis animées par
Franquin,
Roba ou -encore-
Tome et
Janry...), à présent simplement remplacées par un logo à gerber.
Le génial
Flagada avait fini par subir le même sort que le dodo mauricen et avait été remplacé par des
Motards (ancêtres du
Joe Bar Team), l'humour de
Degotte m'étant subitement et inexplicablement devenu étranger.
Moi qui n'était pas fan des séries réalistes, j'étais servi avec des
Timour d'un
Sirius probablement gâteux (?), un
Cristal de
Maric et
Marcello qui ne confirmait pas les espoirs que j'avais mis en lui ; même le
Kogaratsu de
Michetz et
Bosse était devenu illisible, la faute à des couleurs dégueulasses.
Gaston Lagaffe avait bien tenté un retour à doses homéopathiques fin 1986, mais donnait l'impression d'être sous neuroleptiques...
Bref, je filais un mauvais coton et décidai, le cœur gros, d'arrêter de dépenser 7F50 chaque mercredi.
C'est donc contre toute attente, sous la mandature de
Philippe Vandooren, alors que les expériences du précédent rédac'chef fou
Alain De Kuyssche n'étaient plus qu'un lointain souvenir, que j'appris à la radio la parution, ce 5 mai, du
Journal de... Gaston ! Je me ruai au kiosque à journaux le plus proche.
Ce numéro spécial était censé fêter, à quelques semaines près, les trente ans
du plus célèbre des "héros sans emploi" de la bande dessinée franco-belge (les anglo-saxons ont
Andy Capp), apparu -comme chacun le sait- dans le n°985 du beau journal de
Spirou le 28 février 1957.
Contrairement aux précédents "suppléments historiques" du magazine -
Mini-récits,
Classiques Dupuis (reprenant les
Héroïc-Albums) et autres
Trombone illustré- habituellement imprimés en petit format et agrafés au centre du magazine, le
Journal de Gaston fut édité au format tabloïd (38 x 27 cm), et c'est le n°2560 de
Spirou lui-même qui, une fois n'est pas coutume, avait été inséré au milieu de ces vingt-quatre pages hors-série (vendu 20 F tout de même!).

Ce qui était censé être un O.B.D.N.I. se révéla être finalement très décevant à la lecture, n'étant principalement constitué que d'un rédactionnel soporifique illustré par des images découpées à droite et à gauche dans les albums de
Gaston Lagaffe, deux (!) demi-pages de bandes dessinées signées
Deliège et
Pévé et quelques illustrations -tout de même- de
Tome & Janry,
Bercovici,
Degotte,
Hausman et
Jidéhem. Le gag inédit de
Franquin était rendu illisible, bêtement recouvert par un sandwich que
Lagaffe avait oublié sur la photocopieuse, gag ultime
(rires enregistrés).
En raison de son format atypique, ce supplément ne put être intégré dans les fameuse reliures cartonnées du magazine, ce qui explique sans doute pourquoi il n'est aujourd'hui connu que par les spéculateurs et les collectionneurs border-line.
Il contenait tout de même deux pépites :
- la première était signée
Tome & Janry (encore eux) qui animèrent pour l'occasion quelques-uns des personnages secondaires du monde de
Gaston, démontrant tous leurs talents de gag-men qu'ils allaient ultérieurement user (jusqu'à la corde) avec
le Petit Spirou.




- la seconde pépite
(oubliée même par BD Oubliées.com qui l'attribue à Franquin !) fut l'œuvre de
Luc Warnant, le trop bref dessinateur de
Timothée Octave Wang et de
Soda, qui lui, eut l'excellente idée de rappeler
Freddy-les-doigts-de-fée à notre souvenir.
On sait que
Warnant avait refusé une proposition de collaboration faite par
Franquin lui-même et que (d'après
Yann) Franquin aurait même émis le souhait qu'il reprenne
Gaston Lagaffe. Toujours est-il que
Warnant décida du jour au lendemain, au beau milieu du troisième épisode des aventures de
Soda (l'affaire du vrai-faux pasteur), d'abandonner la Bande Dessinée pour la 3D.
Pour moi,
Warnant ne fut pas un simple "suiveur", mais bien un digne héritier de
Franquin, au même titre que
Conrad, Roba, Tillieux ou
Chaland. Mais on va encore me traiter de nostalgique. Je vous laisse savourer.
"Freddy-les-doigts-de-fée"
par Luc Warnant
in Le Journal de Gaston,
supplément au magazine Spirou n°2560 du 5 mai 1987
éditions Dupuis.
(en ce qui concerne le trou, Gaston n'y est pour rien !)
(Merci à Julien qui m'a signalé une passionnante interview de Warnant chez Brussels BD Tour)